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13/ déc.
2024

Actualités juridiques

Droit social — Droit public

Stages en milieu professionnel : projet de loi n° 1095 voté

Le projet de loi n° 1095 relative aux stages en milieu professionnel (2024-07, 25 juin 2024) (25 articles) reçu par le Conseil National le 28 juin 2024, a été voté en Séance publique du 4 décembre 2024.

Les dispositions de la loi ne sont applicables qu’aux stages pour lesquels une convention de stage a été conclue postérieurement à son entrée en vigueur.

Jusqu'ici, la Circulaire n° 07.03 du 26 février 2007 de la Direction du Travail réglementait les conditions dans lesquelles peuvent être effectués certains stages dans les entreprises.

Le projet de loi "vise à matérialiser des pratiques existantes afin de les encadrer, les pérenniser sur certains aspects, les améliorer sur d'autres." (Exposé des motifs, p. 2)

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SYNTHESE

  • Encadrement légal des stages des étudiants (âgés de 29 ans au plus, en principe, la limite d'âge pouvant être repoussée) des établissements d'enseignement en milieu professionnel (établissements industriels, commerciaux, artisanaux ou agricoles, offices ministériels, professions libérales, établissements hospitaliers publics ou privés, sociétés civiles, syndicats professionnels et associations, ainsi que les établissements publics), aux fins de protection des stagiaires et de clarification des obligations incombant à l'organisme d'accueil (conditions de validité, procédure d'autorisation, exécution du stage, et dispositions pénales).
  • Le dispositif concerne les étudiants de formations de l’enseignement supérieur dispensées dans des établissements d’enseignement supérieur ou secondaire (type BTS).
  • Ne relèvent pas du champ d'application de la loi, les périodes de formation des élèves du secondaire, les formations préparant à l'exercice des professions médicales (règlementation spécifique fonctionnant en lien étroit avec la France), les stages spécifiques à la suite d'un examen ou d'un concours constituant une période probatoire (avocat, fonctionnaire, greffier, expert-comptable et comptable agréé), les stages réalisés au sein des services de l’Etat et de la Commune, ainsi qu’à ceux réalisés dans les organismes autres que ceux visés par la loi.
  • Modification concernant l'apprentissage : limite d'âge passant de 26 ans à 29 ans au plus (harmonisation avec l'âge limite de principe fixé pour les stagiaires).

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EN DÉTAIL

L'essentiel du projet de loi est consacré à l'encadrement des stages en milieu professionnel (Partie I), avec à la marge des dispositions concernant l'apprentissage (Partie II).

¤ ENCADREMENT DES STAGES EN MILIEU PROFESSIONNEL (Partie I)

→ DISPOSITIONS GÉNÉRALES (Chapitre I)

  • Définition du "stage" : "période temporaire de mise en situation en milieu professionnel, au cours de laquelle un étudiant, régulièrement inscrit dans un établissement d'enseignement, acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation nécessaires pour la préparation visée à l'alinéa suivant ou pour favoriser son insertion professionnelle". (art. 1er)
  • Stages auxquels s'applique la Loi : 1) stage intégré à un enseignement supérieur qui, commençant après l'obtention du baccalauréat ou d'un diplôme reconnu comme équivalent, prépare à l'obtention d'un diplôme, d'un titre, d'une certification ou d'un concours, reconnu par l'autorité compétente du pays de délivrance. 2) également, stages facultatifs complémentaires (non intégrés) (art. 1er). Inapplicabilité aux stages intégrés dans les formations préparant à l'exercice de professions médicales, et aux stages réalisés au sein des services de l’Etat et de la Commune, ainsi qu’à ceux réalisés dans les organismes autres que ceux visés par la loi (art. 2).
  • Organismes d'accueil auxquels s'applique la Loi : établissements industriels, commerciaux, artisanaux ou agricoles ; offices ministériels ; professions libérales ; établissements hospitaliers publics ou privés ; sociétés civiles ; syndicats professionnels et associations sans distinction de forme et d'objet ; établissements publics. (art. 2) A noter : l'absence de mention de "l'administration" est motivée par "les spécificités de la fonction publique, il est estimé préférable de réglementer de façon distincte les stages réalisés dans les administrations" (Exposé des motifs, p. 4)

CONDITIONS DE VALIDITÉ DU STAGE (Chapitre II)

  • Condition d'âge du stagiaire : en principe, être âgé de 29 ans au plus à la date de réception par la Direction du Travail de la demande d'autorisation de stage. La limite d'âge peut être repoussée dans les 4 cas suivants : 1°) sur demande motivée de l'organisme d'accueil, adressée à la Direction du Travail, dans le cadre de la préparation d'un diplôme de 3e cycle de l'enseignement supérieur ou de diplômes délivrés par des établissements d'enseignement supérieur de très haut niveau dont la liste est fixée par arrêté ministériel ; 2°) pour les personnes occupant un emploi à Monaco et préparant un diplôme reconnu dans le cadre de la formation continue, et dont le contrat de travail est maintenu ou suspendu pendant la durée du stage selon l’accord convenu entre la personne concernée et son employeur ; 3°) en vue d'un changement de métier ou de statut professionnel, pour les personnes visées aux du premier alinéa de l'article 5, 1er alinéa, chiffres 1° à 4° de la Loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté, modifiée (catégories prioritaires, hors domiciliés dans les communes limitrophes) ; ou 4°) sur demande motivée de l’organisme d’accueil, adressée à la Direction du Travail, lorsque l’étudiant est inscrit dans un établissement d’enseignement monégasque. (art. 3)
  • Conditions additionnelles pour les étudiants non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne : 1°) un titre de séjour français en cours de validité, un certificat de résidence ou une carte de séjour établi par la Direction de la Sûreté Publique ; et 2°) une inscription dans un établissement d'enseignement établi à Monaco ou en France. (art. 4)
  • Convention de stage : conclue entre l'établissement d'enseignement, l'organisme d'accueil et le stagiaire (ainsi que son représentant légal s'il est mineur), dont les mentions obligatoires sont déterminées par arrêté ministériel. Elle permet entre autres la vérification par la Direction du Travail de la conformité des conditions du stage aux exigences légales, lors de la demande d'autorisation. (art. 5)
  • Durée du stage : en principe, limitée à 6 mois de présence effective (consécutifs ou non) au sein d'un même organisme d'accueil par année d'enseignement. Une prolongation peut être accordée sur demande motivée de l'organisme d'accueil, visée par l'établissement d'enseignement et par le stagiaire (ainsi que son représentant légal s'il est mineur), dont les conditions de recevabilité sont fixées par arrêté ministériel. (art. 6)
  • Gratification mensuelle pour les stages au sein d'un même organisme d'au moins 2 mois (consécutifs ou non) par année d’enseignement : son montant minimum est fixé par arrêté ministériel. Elle est due à compter du premier jour du stage. Cette gratification sera prise en compte dans l'attribution de la bourse de stage prévue par l'Arrêté Ministériel n° 2020-897 du 21 décembre 2020 (article 4). L’obligation de verser la gratification ne s’applique pas aux salariés qui occupent un emploi à Monaco et effectuent un stage dans le cadre de la formation continue, lorsque leur contrat de travail est maintenu et que le salaire qui leur est versé est supérieur au montant de cette gratification. (art. 7)
  • Interdictions : la convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu. De plus, le stagiaire ne peut être accueilli sur un poste ayant fait l'objet d'un licenciement économique, pendant une durée de 6 mois à compter du départ effectif du salarié licencié. Aucun stage ne peut être conclu pour exécuter des travaux dangereux tels qu'énoncés par l'Arrêté Ministériel n° 2008-354 du 9 juillet 2008 applicable aux apprentis. (art. 8)
  • Limitation du nombre de stagiaires pouvant être simultanément présents, sauf dérogation : selon la taille de l'organisme d'accueil : 1°) 15 % de l'effectif arrondi à l'entier supérieur lorsque l'effectif est supérieur ou égal à 20 ; 2°) 3, lorsque l'effectif est compris entre 11 et 19 ; 3°) 2, lorsque l'effectif est compris entre 5 et 10 ; 4°) 1, lorsque l'effectif est inférieur à 5. Les périodes de prolongation de stage ne sont pas prises en compte "afin que la prolongation d'un stage qui aurait fait l'objet d'une suspension ne vienne pas empêcher le déroulement du stage de l'étudiant suivant" (Exposé de motifs, p. 6) (art. 9)

PROCÉDURE D'AUTORISATION DES STAGES (Chapitre III)

  • Demande d'autorisation individuelle préalable de l'organisme d'accueil dans des conditions fixées par Arrêté Ministériel (contenu, pièces à fournir) (art. 10)
  • Examen de la demande d'autorisation de stage par la Direction du Travail et notification à l'organisme d'accueil selon les modalités prévues par Arrêté Ministériel (art. 11)
  • Motifs et motivation de rejet de la demande. La Loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs est applicable, et la décision de refus est susceptible de recours : recours gracieux ou hiérarchique, et recours contentieux devant le Tribunal Suprême. (art. 12)
  • Absence d'assujettissement de l'organisme d'accueil aux obligations qui lui incombent s'agissant de ses salariés (pas de formalités légales d'autorisation d'embauchage et de permis de travail, pas d'immatriculation du stagiaire aux organismes sociaux, pas d'obligation de mentionner le stagiaire sur le registre des entrées et sorties du personnel, ni sur les livres de paye) (art. 13)

EXÉCUTION DU STAGE (Chapitre IV)

  • Durée du travail : applicabilité de l'Ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail, étant précisé que le stagiaire ne peut pas : 1°) effectuer une durée de travail de plus de 39heures par semaine ; 2°) être employé à un travail effectif de plus de 8 heures par jour. (art. 14)
  • Repos hebdomadaire et jours fériés : en principe, 2 jours de repos dont 1 obligatoirement le dimanche. Dérogation pour le repos hebdomadaire le dimanche lorsque l'organisme d'accueil relève de l'une des catégories mentionnées à l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 11.145 du 5 janvier 1994, modifiée (par ex. hôtels-restaurants et débits de boissons, musées et expositions, etc.). Les stagiaires ne peuvent pas être occupés un jour férié légal, sauf dérogation. (art. 15)
  • Pas de congés légaux en principe : sauf dispositions plus favorables convenues avec l'organisme d'accueil. Toutefois, pour les stages dont la durée est supérieure à 2 mois consécutifs, la
    convention de stage doit prévoir la possibilité de congés au bénéfice du stagiaire au cours de la
    période du stage, et préciser en outre les modalités d’attribution et de gratification des congés (art. 16)
  • Absences autorisées du stagiaire pour se rendre aux examens prévus par l'établissement d'enseignement ou pour toute obligation découlant de sa formation : l'organisme d'accueil doit autoriser ces absences, lesquelles n'entrainent pas une baisse de la gratification, et n'ont pas pour conséquence de prolonger la durée du stage qui cesse de plein droit à l'échéance du terme fixé dans la convention de stage. (art. 17)
  • Obligations de l'organisme d'accueil : 1°) assurer la formation pratique du stagiaire pendant la durée du stage en lui confiant des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement ; 2°) désigner un tuteur au sein de son effectif qui ne peut avoir la charge de plus de 2 stagiaires simultanément sur la même période ; 3°) accueillir le référent de l'établissement d'enseignement afin d'effectuer le suivi du stagiaire ; 4°) conditions de travail, d'hygiène et de sécurité à l'égard de ses stagiaires, conformément aux dispositions légales et réglementaires qui prévoient la protection de ses salariés en la matière ; 5°) adapter au projet pédagogique les compétences et équipements professionnels mis à disposition et les techniques enseignées. (art. 18)
  • Rôle du tuteur désigné par l'organisme d'accueil : accueil, accompagnement et formation du stagiaire. Il est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention de stage.
    Ne peuvent avoir la qualité de tuteur les personnes, non réhabilitées, ayant été condamnées pour crime ou délit, à une peine d'emprisonnement ferme de plus de 3 mois, à Monaco ou à l'étranger, au cours des 5
    années qui précèdent leur désignation.
    (art. 19)
  • Obligations du stagiaire : 1°) conserver la qualité d'étudiant au sein de l'établissement d'enseignement ce qui implique de respecter une assiduité aux cours et aux contrôles de connaissances de ce dernier ; 2°) respecter les termes de la convention de stage ; 3°) respecter les règles et usages en vigueur au sein de l'organisme d'accueil et se soumettre au pouvoir de direction et de contrôle de la personne habilitée à représenter l'organisme d'accueil. (art. 20)

DISPOSITIONS PÉNALES (Chapitre V)

  • Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller au respect des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application, et notamment de constater les infractions à ladite loi. (art. 21)
  • Seraient considérés comme du travail dissimulé les manquements à la Loi suivants : 1°) à l'inscription régulière dans un établissement d'enseignement ; ou 2°) à l'âge du stagiaire ; ou 3°) au titre de séjour et à l'inscription ; ou 4°) à la convention de stage ; ou 5°) à la durée du stage ; ou 6°) à l'objet du stage ; ou 7°) au nombre maximal de stagiaires présents dans l'organisme d'accueil. A ces manquements s'ajoute le fait de réaliser un stage malgré le refus d'autorisation de la Direction du Travail. Les manquements sont passibles des peines prévues par la Loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté, modifiée (art. 22)
  • Autres infractions : sanction pénale autonome (amende prévue au chiffre 2 de l'article 29 du Code pénal - 75 à 200 euros) en cas de manquement aux obligations suivantes : 1°) gratification de stage ; ou 2°) horaires ; ou 3°) repos ; ou 4°) congés ; ou 5°) absences autorisées ; ou 6°) obligations de l'organisme d'accueil. En cas de pluralité d'infractions, il est prononcé autant d'amendes qu'il y a d'infractions constatées ou de stagiaires concernés. En cas de récidive (dans les 12 mois antérieurs au fait poursuivi, l'organisme d'accueil a déjà été condamné pour la même infraction), l'organisme d'accueil est puni de l'amende prévue au chiffre 1 de l'article 26 du Code pénal (de 1 000 à 2 250 euros). (art. 23)

¤ MODIFICATION DE LA LOI N° 1.341 DU 3 DECEMBRE 2007 RELATIVE AU CONTRAT D'APPRENTISSAGE (Partie II)

Augmentation de l'âge maximal pour l'apprentissage à 29 ans (modification de l'article 8, alinéa 1 de la Loi n° 1.341) (art. 24)

Remplacement des termes "attentats aux mœurs" par "délit" (concernant l'employeur ou le maître d'apprentissage), vu les évolutions de terminologie depuis la Loi n° 1.517 du 23 décembre 2021 de réformes des dispositions relatives à l'incrimination des agressions sexuelles, et pour inclure les autres délits comme par ex. les coups et blessures, l'escroquerie, les vols, l'abus de confiance, le trafic de stupéfiants, etc. (modification de l'art. 12 de la Loi n° 1.341) (art. 25)

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