31
janv.
2025
Actualités juridiques
Droit international et européen
2025
Actualités juridiques
Droit international et européen
Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (Ordonnance Souveraine n° 11.043 du 22 janvier 2025)
Présentation
Le Protocole n°15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (STCE n° 213) a été ouvert à la signature le 24 juin 2013. Il a été ratifié par Monaco le 13 novembre 2013 et rendu exécutoire par Ordonnance Souveraine n° 11.043 du 22 janvier 2025 (JDM n° 8732 du 31 janvier 2025).
L’Italie est le dernier Etat à avoir déposé ses instruments de ratification auprès du Conseil de l’Europe, le 21 avril 2021, permettant ainsi son entrée en vigueur à l’égard de l’ensemble des Etats parties à la CEDH à compter du 1er août 2021, conformément à l'article 7 du Protocole n° 15. [1]
L’objectif des changements apportés par le Protocole n° 15 à la CEDH est de maintenir l’efficacité de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
* * *
Les amendements de la CEDH issus du Protocole n° 15
¤ Ajout d’un dernier considérant au Préambule de la CEDH se référant au principe de subsidiarité et à la doctrine de la marge d’appréciation dont disposent les Etats (Art. 1 Protocole n° 15 amendant le Préambule CEDH)
Entrée en vigueur : 1er août 2021.
- La doctrine de la marge nationale d’appréciation, laquelle dépend des circonstances de l’affaire et des droits et libertés en cause, a été développée dans la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, afin de concilier la norme commune défendue par la Convention avec la sauvegarde du pluralisme juridique. [2] Le rôle de la Cour est d’examiner si les décisions prises par les autorités nationales sont compatibles avec la Convention, eu égard à la marge d’appréciation dont disposent les Etats.
- Le système de la Convention est subsidiaire par rapport à la sauvegarde des droits de l’homme au niveau national, les autorités nationales étant en principe mieux placées qu’une cour internationale pour évaluer les besoins et les conditions au niveau local.
¤ Réduction du délai pour introduire une requête devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme de six à quatre mois suivant la dernière décision interne définitive de la plus haute juridiction judiciaire ou administrative (Art. 4 Protocole n° 15 amendant l’art. 35, § 1 CEDH)
Entrée en vigueur : 1er février 2022
- Ont plaidé pour la réduction du délai de dépôt des requêtes (condition de recevabilité) le développement de technologies de communication plus rapides, ainsi que les délais de recours en vigueur dans les Etats membres du Conseil de l’Europe d’une durée équivalente.
- Inapplicabilité du nouveau délai de quatre mois aux requêtes au regard desquelles la décision interne définitive a été prise avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle règle. [3]
¤ Amendement du critère de recevabilité concernant le « préjudice important » pour supprimer l’exigence que l’affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne (Article 5 du Protocole n° 15 amendant l’article 35, § 3 b CEDH)
Entrée en vigueur : 1er août 2021 pour les nouvelles requêtes et les requêtes pour lesquelles la décision sur la recevabilité est pendante à cette date.
La requête peut être déclarée irrecevable si le requérant n’a subi aucun préjudice important.
- La deuxième clause de sauvegarde concernant l’exigence que l’affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne est supprimée afin de donner un plus grand effet à la maxime de minimis no curat praetor [4] (la Cour ne s’occupe pas des affaires de moindre importance).
- Subsiste la première clause de sauvegarde : l’examen du bien-fondé de la requête si le respect des droits de l’homme l’exige.
¤ Suppression du droit des parties à une affaire de s’opposer au dessaisissement d’une Chambre au profit de la Grande Chambre [Article 3 du Protocole n° 15 amendant l’article 30 CEDH]
Entrée en vigueur : 1er août 2021.
- Cette suppression a été effectuée dans un souci de cohérence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (laquelle a envisagé en 2012 de modifier l’article 72 de son Règlement afin que les chambres soient tenues de se dessaisir en faveur de la Grande Chambre lorsqu’elles envisagent de s’écarter d’une jurisprudence bien établie [5]), et d’accélération de la procédure dans des affaires qui soulèvent une question grave d’interprétation de la CEDH ou de ses protocoles ou qui peuvent
potentiellement conduire à s’écarter de la jurisprudence existante. - Inapplicabilité de la suppression du droit d’opposition des parties au dessaisissement de la Chambre au profit de la Grande Chambre aux affaires pendantes dans lesquelles l’une des parties s’est déjà opposée, avant l’entrée en vigueur du Protocole, à une proposition de dessaisissement. [6]
¤ Remplacement de la limite d’âge pour les juges à 70 ans par l’exigence que les candidats au poste de juge soient âgés de moins de 65 ans à la date à laquelle la liste de trois candidats est attendue par l’Assemblée parlementaire (Art. 2 Protocole n° 15 introduisant un nouveau § 2 à l’article 23 CEDH)
Entrée en vigueur : 1er août 2021 pour les candidats figurant sur les listes soumises à l’Assemblée parlementaire après cette date. [7]
- Il s’agit de renforcer la cohérence de la composition de la Cour en permettant aux juges d’exercer leur fonction durant l’intégralité de leur mandat de neuf ans (non renouvelable).
- Les candidats figurant sur les listes d’ores et déjà soumises, les juges en fonction et les juges élus à la date d’entrée en vigueur du Protocole, continuent à être soumis à la règle applicable avant l’entrée en vigueur du Protocole, à savoir l’expiration de leur mandat dès qu’ils atteignent l’âge de 70 ans.
* * *
Notes :
[1] Article 7 Protocole n° 15 : « Le présent Protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle toutes les Hautes Parties contractantes à la Convention auront exprimé leur consentement à être liées par le Protocole, conformément aux dispositions de l’article 6. ».
[2] L’expression « marge d’appréciation » apparaît pour la première fois dans le rapport de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’Affaire de Chypre (Grèce c/ Royaume-Uni), Annuaire de la Convention européenne des Droits de l’Homme, 1958-59, volume 2, pp. 172-197). Voir Steven GREER, « La marge d’appréciation, interprétation et pouvoir discrétionnaire dans la cadre de la Convention Européenne des Droits de l’Homme », Dossier sur les Droits de l’Homme n° 17, Editions du Conseil de l’Europe, juillet 2000.
[3] Art. 8, § 3 Protocole n° 15 : « L’article 4 du présent Protocole entrera en vigueur à l’expiration d’une période de six mois après la date d’entrée en vigueur du présent Protocole. L’article 4 du présent Protocole ne s’applique pas aux requêtes au regard desquelles la décision définitive au sens de l’article 35, paragraphe 1, de la Convention a été prise avant la date d’entrée en vigueur de l’article 4 du présent Protocole. »
[4] Le préteur (magistrat romain chargé d’organiser la tenue des procès) ne s’occupe pas des causes insignifiantes.
[5] Avis préliminaire de la Cour établi en vue de la Conférence de Brighton, adopté par la Plénière le 20 février 2012, paragraphe 16 https://www.echr.coe.int/Docum...
[6] Art. 8, § 2 Protocole n° 15 : « L’amendement introduit par l’article 3 du présent Protocole ne s’applique pas aux affaires pendantes dans lesquelles l’une des parties s’est opposée, avant l’entrée en vigueur du présent Protocole, à une proposition d’une chambre de la Cour de se dessaisir au profit de la Grande Chambre. »
[7] Art. 8, § 1 Protocole n° 15 « Les amendements introduits par l’article 2 du présent Protocole s’appliquent uniquement aux candidats figurant sur les listes soumises à l’Assemblée parlementaire par les Hautes Parties contractantes, en vertu de l’article 22 de la Convention, après l’entrée en vigueur du présent Protocole. »
* * *
Autres publications