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18

déc.
2023

Actualités juridiques

Droit pénal

Droit international et européen

Compliance

18/ déc.
2023

Actualités juridiques

Droit pénal — Droit international et européen — Compliance

(Moneyval) Loi n° 1.553 du 7 décembre 2023 (Partie III) Lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive

La Loi n° 1.553 du 7 décembre 2023 portant adaptation de dispositions législatives en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive (Partie III) (JDM n° 8673 du 15 décembre 2023) est issue du projet de loi n° 1080 du 26 juillet 2023 (déposé en Séance publique et renvoyé devant la Commission de Législation du Conseil National le 31 juillet 2023. et voté le 28 novembre 2023).

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Présentation

Elaborée en étroite collaboration avec la Direction des Services Judiciaires, la Loi n° 1.553 (Partie III) constitue le volet "Justice, loi pénale et procédure pénale" de la réforme législative globale suite au Rapport du Comité MONEYVAL de décembre 2022 qui a recommandé le renforcement de l'efficacité du dispositif monégasque dans les domaines suivants :

  • enquêtes et poursuites en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme - pouvoir des autorités ;
  • confiscation et mesures provisoires - entraide judiciaire ;
  • procédure d'extradition.

La Loi n° 1.533 (Partie III) porte modification des textes suivants :

Les dispositions transitoires prévoient l'application de la Loi :

  • à compter du 1er janvier 2024,
  • sauf pour les articles énumérés qui s’appliquent aux faits commis à compter du lendemain de la publication de la Loi au Journal de Monaco, et donc à compter du 16 décembre 2023.

Pour le volet "Prévention, transparence des personnes morales", voir la Loi n° 1.549 (Partie I), la Loi n° 1.550 (Partie II) publiées en juillet - août 2023. La Partie IV complète le dispositif, en traitant des aspects qui n'avaient pas pu l'être via les précédentes lois, et en ajustant les dispositions législatives déjà modifiées afin d'assurer la conformité aux recommandations du Rapport MONEYVAL.

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SYNTHESE

La Loi n° 1.553 (Partie III) est construite autour de deux objectifs centraux :

1. Renforcement de l'efficacité de la procédure pénale :

  • Amélioration des délais de procédure (limitation des notifications infructueuses des ordonnances du juge d'instruction ; composition prévisionnelle des affaires inscrites au rôle de l'audience correctionnelle par décision conjointe ; nouvelle possibilité pour le Tribunal correctionnel, en cas de circonstances exceptionnelles, de recourir à la vidéoconférence ; détermination par le Tribunal correctionnel de la qualification à retenir dans le cadre d'une relaxe ; faculté de statuer sur le maintien ou la suspension provisoire des effets du mandat d'arrêt hors la présence du prévenu dans la situation où il n'a pas été interpellé et souhaite comparaître en personne à l'audience ; composition prévisionnelle des affaires inscrites au rôle de l’audience d'appel des jugements du Tribunal correctionnel, fixée par décision conjointe ; cas où le jugement contradictoire du Tribunal correctionnel est exécutoire à l'expiration du délai de signification et régime de détention provisoire jusqu'à l'audience devant la Cour d'appel) ;
  • Renforcement du contrôle judiciaire (élargissement des possibilités de constituer des sûretés ; élargissement de la notion de "ressources" de l'inculpé pouvant être prises en compte par le juge d'instruction pour fixer le montant du cautionnement ; précision sur ce que le cautionnement garantit, avec réorganisation de l'ordre des paiements garantis) ; Juridiction compétente pour aménager le contrôle judiciaire ou y mettre un terme lorsque le juge d’instruction a renvoyé l’affaire devant une juridiction de jugement ou lorsqu’il s’est dessaisi de l’affaire sans qu’aucune juridiction de jugement n’en ait été saisie ;
  • Permettre à l’inculpé de demander au juge d’instruction à être placé sous le statut de témoin assisté et ce, à tout moment de l’information ;
  • Extension de la compétence des tribunaux monégasques (à l'égard des Monégasques ou résidents monégasques qui se seraient rendus coupables, hors de la Principauté, d’une infraction de contournement d’une décision prise par le Ministre d’Etat, de gel des fonds et des ressources économiques, sans exigence de la double incrimination ; à l'égard de l'étranger qui se sera rendu coupable hors du territoire d'un délit de blanchiment lorsque "l'infraction sous-jacente a été commise au préjudice d'un Monégasque" sans nécessité que la plainte vise un fait de blanchiment).
  • Renforcement des pouvoirs des autorités en matière de réquisitions (mise en évidence du fait que le secret professionnel ne peut être opposé à une réquisition, avec des modifications concernant les professionnels qui peuvent faire l'objet d'une exception à ce principe) et d'opérations sous couverture et livraisons surveillées (faculté de recourir à une opération d'infiltration lorsque l’enquête ou l’information porte sur une des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées listées) ;
  • Amélioration du dispositif des saisies (extension du pouvoir de saisie du Procureur Général en permettant la saisie d'un bien susceptible de confiscation, dès le stade de l'enquête ; protection des tiers de bonne foi ; exception de la mainlevée partielle ou totale ; extension du périmètre des biens susceptibles de saisie) et réforme du régime applicable à la protection des biens saisis (introduction de la notion de "gardien judiciaire" ; précisions s'agissant de la sanction de l'atteinte aux biens saisis ; nouvelles dispositions relatives aux modalités de restitution et non-restitution des biens saisis, conciliation des droits des propriétaires avec les droits des créanciers) ;
  • Création d'un "contrôle préventif" (des véhicules, navires et bagages, en dehors de toute enquête, aux fins de recherche et de poursuite d'infractions graves listées) ;
  • Modification substantielle de la Loi n° 1.222 du 28 décembre 1999 relative à l'extradition (conditions d'application de l'exigence de double incrimination ; catégorisation des motifs de refus d'extradition selon qu'ils sont ou non impératifs, avec ajouts ; priorisation des demandes d'extradition ; précision des étapes et promotion de l'efficacité de la procédure ordinaire d’extradition : contenu de la demande d'extradition, conditions sous lesquelles une copie d’une décision de condamnation exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même valeur juridique sera considérée comme certifiée conforme, déroulé de la procédure d'arrestation provisoire avec allongement des délais, possibilité de placement sous contrôle judiciaire et nouvelles garanties procédurales, procédure devant le juge d'instruction et la Chambre du conseil de la Cour d'appel ; création d'une procédure simplifiée d'extradition fondée sur le consentement de la personne réclamée ; effets de l'extradition ; adaptation des dispositions internes aux engagements internationaux de Monaco).

2. Renforcement du caractère dissuasif du dispositif pénal :

  • Précision du régime et des effets du mandat d'arrêt (prérogatives du Tribunal correctionnel, de la Cour d'appel ; pas de sursis à exécution pendant le délai de pourvoi) et mises à jour ;
  • Modification des dispositions en matière d'entrave à la justice (sanction du refus de répondre aux réquisitions) ;
  • Contours et sanctions de l'infractions de blanchiment de capitaux (pallier aux difficultés probatoires ; aggravation du montant des amendes) ;
  • Infraction de financement du terrorisme, de financement de la prolifération des armes de destruction massive (comme pour l'infraction de blanchiment, aggravation du montant des amendes ; pourra être qualifié d'acte de terrorisme tout acte de trafic d'armes nucléaires de destruction massive ainsi que leurs vecteurs et tout matériel ou donnée connexe ; nouveaux actes de terrorisme : financement de voyages à l'étranger aux fins de terrorisme, et financement de la prolifération des armes de destruction massive) ;
  • Modifications relatives au Bulletin destiné à être classé au casier judiciaire (ajout des décisions disciplinaires édictant des interdictions d'exercer, exclusions, destitutions, révocations ou radiations, ou fixant une amende).
  • Modification des dispositions en matière d'interdiction de séjour en Principauté (extension de la possibilité pour les tribunaux de prononcer cette peine complémentaire à toutes les condamnations pour crimes ou délits).
  • Nouvelle infraction de non justification de ressources.

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EN DETAIL

1. Renforcement de l'efficacité de la procédure pénale

¤ Délais de procédure

La Commission de Législation a supprimé les projets d'articles qui visaient à imposer un délai d’audiencement de trois mois. Elle a relevé pour les affaires et faits de blanchiment, qu'ils "sont complexes, par nature, et nécessitent généralement le recours à l’entraide judiciaire internationale. En pratique, il apparaît donc peu probable que [c]es affaires [....] puissent toutes être jugées en moins de trois mois."

— Limitation des notifications infructueuses des ordonnances du juge d'instruction (modification de l'art. 226 CPP).

Afin de "gagner un temps précieux dans le déroulement de la procédure", la notification des ordonnances du juge d'instruction se ferait à l'"adresse déclarée" par la partie civile, le témoin assisté et l'inculpé dans le cadre de l'instruction (et non plus au "domicile réel").

— Le premier président de la chambre du conseil de la Cour d'Appel (siégeant comme juridiction d'instruction) devra, à la suite de la réception du dossier de l'information (soit en cas de crime, soit en cas de recours ou requête des parties), "informer immédiatement le procureur général et les parties" de la date d'audience qu'il fixe (modification de l'art. 235 CPP).

— La composition prévisionnelle des affaires inscrites au rôle de l'audience du Tribunal correctionnel, fixée par "décision conjointe" du président du TPI et du procureur général (nouvel article 368-1 CPP).

En cas d'impossibilité de parvenir à des décisions conjointes, le procureur général seul déterminerait la composition prévisionnelle.

— Possibilité pour le prévenu détenu d'être cité devant le Tribunal correctionnel "dans un délai inférieur à trois jours francs" (modification de l'art. 373 CPP).

Cette formulation plus précise que "à bref délai" vise à "s'assurer que le délai soit effectivement bref".

Le consentement du prévenu détenu doit être recueilli à l'audience et constaté dans le jugement.

— Nouvelle possibilité du Tribunal correctionnel, en cas de circonstances exceptionnelles, de procéder à l’audition du prévenu par un système de vidéoconférence garantissant la confidentialité de la transmission, avec s’il le souhaite, l’assistance d’un avocat présent dans la salle d’audience ou aux côtés de son client, ou les deux. (modification de l'art. 377 CPP).

Le procureur général est chargé de l’organisation de cette audition en lien avec les autorités étrangères. Le jugement est réputé contradictoire.

Extension de ce mécanisme, déjà prévu dans le cadre de la phase préliminaire et de l’entraide judiciaire internationale, à la procédure ordinaire devant le tribunal correctionnel.

— Précision que la demande de renvoi devant le Tribunal correctionnel et la Cour d’appel doit être « le cas échéant accompagnée de justificatifs objectifs et traduits s'ils sont rédigés dans une langue étrangère", et qu'elle "doit, à peine d'irrecevabilité, contenir une déclaration d'adresse". (nouveaux articles 376-1 et 412-2 CPP).

— Précision expressis verbis du contenu du jugement (nouvel art. 390 CPP).

"Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif ».

— Ajout que le Tribunal correctionnel n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention, et qu'il ne peut prononcer une décision de relaxe qu'à la condition que les faits dont il est saisi ne soient constitutifs d'aucune infraction (modification de l'art. 391 CPP).

Le Tribunal correctionnel pourra déterminer la qualification "à condition 1°) de rien y ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts de la prévention ; 2°) de ne pas étendre la période de prévention ; 3°) que les parties soient mises en mesure de faire valoir leurs observations au regard de la nouvelle qualification envisagée" (respect des règles du procès équitable).

Dans l’hypothèse où la juridiction requalifie les faits dont elle est saisie, la peine prononcée ne pourra être supérieure au maximum de la peine initialement encourue.

Cet ajout vise à éviter "que le procureur général ait à mieux se pourvoir, ce qui conduit indéniablement à un rallongement des procédures qui pourrait être évité si le tribunal pouvait lui-même requalifier les faits".

— Faculté de la juridiction saisie de l'opposition ou de l'appel, de statuer sur le maintien ou la suspension provisoire des effets du mandat d'arrêt hors la présence du prévenu, dans la situation spécifique où il n'a pas été interpellé et souhaite comparaître en personne à l'audience (nouvel article 395-1 CPP).

A condition que le prévenu soit représenté par un avocat-défenseur ou un avocat, et qu’il déclare une adresse en Principauté ou à défaut qu’il élise domicile chez un avocat-défenseur ou un avocat inscrit au barreau de la Principauté de Monaco.

En cas de carence à comparaître, si la peine prononcée consiste en de l'emprisonnement ferme, la juridiction est tenue de décerner mandat d'arrêt sauf décision contraire spécialement motivée.

— Le jugement contradictoire du Tribunal correctionnel qui emporte condamnation à une peine d'emprisonnement ferme ou avec sursis partiel ou de confiscation ou peines complémentaires prévues par l'art. 37-1 CP, est exécutoire à compter de la signification faite au domicile ou à l’adresse déclarée ou, à défaut, au parquet. La personne écrouée en exécution de la condamnation qui forme appel, demeure détenue sous le régime de la détention provisoire, sans préjudice de son droit de former des demandes de mise en liberté, jusqu'à l'audience devant la cour d'appel (modification de l'art. 408 CPP).

— La composition prévisionnelle des affaires inscrites au rôle de l’audience d'appel des jugements du Tribunal correctionnel, fixée par "décision conjointe" du premier président de la cour d'appel et du procureur général (nouvel art. 412-1 CPP).

En cas d'impossibilité de parvenir à des décisions conjointes, le procureur général seul déterminerait la composition prévisionnelle.

¤ Contrôle judiciaire

L'objectif est de "garantir au mieux les éventuelles sanctions pécuniaires qui pourraient être prononcées dans la suite de la procédure".

— Modification de l'ordre d'énumération des obligations auxquelles le juge d'instruction peut astreindre l'inculpé, et élargissement des possibilités de sûretés (modification de l'art. 182 CPP).

Le "cautionnement" et "ne pas sortir des limites territoriales de la Principauté" passent aux premiers rangs des obligations (chiffres 1°) et 1° bis). Et l'inculpé peut se voir obligé de "constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction des sûretés personnelles ou réelles dans les conditions fixées par ordonnance souveraine" (chiffre 14°).

— Elargissement de la notion de "ressources" de l'inculpé pouvant être prises en compte par le juge d'instruction pour fixer le montant du cautionnement (modification de l'art. 183 CPP).

Les "ressources" incluent non seulement les "gains, revenus et salaires" de l'inculpé, mais aussi "tous les fonds dont il dispose, matériels ou immatériels, comme titulaire ou bénéficiaire de fait, quelle que soit l'origine, licite ou illicite, de ces ressources".

Le juge d’instruction tient également compte des saisies ou autres mesures de sûretés ordonnées à l’égard du patrimoine de l’intéressé.

Cette définition élargie vise à pouvoir "accroître le montant des cautionnements, lesquels pourront permettre in fine de payer les amendes infligées et s'assurer au préalable de ce paiement".

— Précision sur ce que le cautionnement garantit, avec réorganisation de l'ordre des paiements garantis (modification de l'art. 184 CPP).

Il est précisé que le cautionnement garantit l'exécution "complète" du jugement, "et s'il y a lieu jusqu'à l'issue du délai d'épreuve". Remontent dans l'ordre des paiements garantis par le cautionnement, après "les frais de justice", "la réparation des dommages causés par l'infraction", les "amendes", puis "les sommes dont la fixation relève de l'administration fiscale", les "frais avancés par la partie civile", enfin les "restitutions".

— Pallier au fait qu’en l’état, aucune juridiction n’est compétente pour aménager le contrôle judiciaire ou y mettre un terme lorsque le juge d’instruction a renvoyé l’affaire devant une juridiction de jugement ou lorsqu’il s’est dessaisi de l’affaire sans qu’aucune juridiction de jugement n’en ait été saisie. (nouvel art. 189-1 CPP).

Cette compétence appartiendra au président de la juridiction de jugement devant laquelle l’affaire aura été renvoyée ou au Premier Président de la Cour d’appel, lorsque le juge d’instruction se sera dessaisi de l’affaire sans qu’aucune juridiction de jugement n’en ait été saisie. Dans ce cas, les Premier Président de la Cour d’Appel disposera des mêmes prérogatives que celles confiées au juge d’instruction et ses décisions seront susceptibles d’appel devant la chambre du conseil de la Cour d’Appel dans les mêmes formes et délais que celles du juge d’instruction

¤ Permettre à l’inculpé de demander au juge d’instruction à être placé sous le statut de témoin assisté et ce, à tout moment de l’information (nouvel art. 166-1-1 CPP)

Le juge d’instruction, saisi d’une demande à cette fin se prononcera par ordonnance motivée dans un délai de 3 mois. Cette décision sera susceptible d’appel devant la chambre du conseil de la Cour d’appel dans un délai de quinze jours.

S’il ne se prononce pas dans le délai de 3 mois sur cette demande, l’inculpé pourra, par simple requête, saisir la chambre du conseil de la Cour d’appel qui statuera en lieu et place du juge d’instruction et renverra la procédure à celui-ci.

¤ Extension de la compétence des tribunaux monégasques

— Possibilité de juger et poursuivre en Principauté, les Monégasques ou résidents habituels sur le territoire monégasque qui, hors de la Principauté, se seraient rendus coupables d’une infraction de contournement d’une décision prise par le Ministre d’Etat, de gel des fonds et des ressources économiques, en application des dispositions de l’art. 12 de l'Ordonnance Souveraine n° 8.664 du 26 mai 2021 modifiée, sans exigence de double incrimination (nouvel art. 6-1-2 CPP).

Les juridictions monégasques pourraient ainsi "s'assurer que les sanctions prononcées pour ces faits sont effectivement efficaces et dissuasives tel que le rapport Moneyval l'exige".

— Possibilité de poursuivre et juger dans la Principauté, l'étranger qui se sera rendu coupable hors du territoire "3°) d'un délit de blanchiment lorsque l'infraction sous-jacente a été commise au préjudice d'un Monégasque", sans qu'il soit nécessaire que la plainte de la partie lésée vise un fait de blanchiment (modification de l'art. 9 CPP).

Il s'agit de répondre à Moneyval relevant "que la Principauté de Monaco n'a pas démontré sa capacité de poursuivre des dossiers impliquant des faits de blanchiment par un tiers".

¤ Réquisitions

Il s'agit de renforcer les pouvoirs des organes de poursuite, Moneyval rayant recommandé "que le Procureur général dispose de pouvoirs lui permettant d'identifier et de localiser les avoirs", et que les autorités puissent "obtenir la production de documents" .

— Mise en évidence du fait que le secret professionnel ne peut être opposé à une réquisition, avec modification de la liste des professionnels qui peuvent faire l'objet d'une exception à ce principe (modification de l'art. 81-6-1, nouvel art. 81-6-2 CPP).

Les alinéas 3 et 4 de l'art. 81-6-1 sont rebasculés dans un article à part. La notion d'"autres personnes dépositaires de secrets par état ou profession" est supprimée car "source d'insécurité juridique". Sont ajoutés les notaires et huissiers à la liste des professionnels ne pouvant être requis sur les faits qui leur ont été révélés, sauf les cas où la loi les oblige expressément à les dénoncer. Il est également précisé que "Dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, la divulgation d’informations détenues par un notaire aux termes d’actes établis par ses soins ou la délivrance de la copie desdits actes doit, à peine de nullité, être autorisée ou ordonnée, par le président du tribunal de première instance, sur requête du procureur général".

— Précision des situations dans lesquelles les membres de l'Ordre des experts-comptables et des comptables agréés sont déliés de leur secret professionnel (modification de l'art. 29 de la Loi n° 1.231 du 12 juillet 2000).

Ceux-ci sont déliés du secret professionnel "lorsqu'ils sont requis, dans le cadre d'une enquête ou d'une information en cours, par le procureur général ou un juge d'instruction". Actuellement, le procureur général doit solliciter l'ouverture d'une information judiciaire pour qu'un membre de l'Ordre soit entendu.

¤ Dispositif relatif aux saisies

Pouvoir de saisie du Procureur Général

— Le juge des libertés devra se prononcer sur le maintien ou la mainlevée d'une saisie ordonnée par le procureur général dans le cadre d'une visite domiciliaire, à peine de nullité de la mesure. (7e alinéa art. 81-7-3 CPP).

Le procureur général devra saisir le Juge des libertés à cette fin par requête dans un délai de 15 jours à compter de la saisie. Le juge des libertés devra, quant à lui, se prononcer par ordonnance motivée dans un délai de 5 jours à compter de la requête du procureur général.

— Possibilité de saisir un bien susceptible de confiscation, dès le stade de l'enquête, préliminaire ou de flagrance (nouvel alinéa 2, art. 596-1 CPP).

Le procureur général pourra, sous le contrôle du juges des libertés, empêcher la disparition des actifs. Ceci répond aux préoccupations de Moneyval, "dès lors qu'en l'absence de pouvoir spécifique conféré au procureur général, celui-ci ne pouvait que solliciter l'ouverture d'une information judiciaire afin que le juge d'instruction puisse ensuite ordonner cette mesure. Avec la disposition projetée, les délais inévitablement générés par la nécessité d'ouverture d'une instruction n'auront ainsi plus lieu d'être dans cette situation spécifique".

— Précisions sur le devenir de l'objet saisi (nouvel alinéa 3, art. 596-1 CPP).

"Le bien corporel saisi fait l'objet d'une apposition de scellés" et un "gardien judiciaire" (voir infra) peut être désigné.

— Précisions sur la signification aux propriétaires des biens saisis ainsi qu'aux tiers ayant ou revendiquant des droits sur le bien saisi (nouveaux alinéas 4 et 5, art. 596-1 CPP).

La signification "est effectuée à la requête du juge d'instruction, du juge des libertés ou de la juridiction de jugement par le parquet général ".

"Lorsque, en fonction de la date de délivrance de la signification, la personne concernée par l'acte n'a pas été en mesure, à raison de circonstances indépendantes de sa volonté, de faire valoir ses droits au cours de l'un quelconque des stades de la procédure ou des degrés de juridiction du fond, elle peut former tierce opposition".

— Ajout de l'exception de la mainlevée partielle ou totale, décidée d'office ou à la demande de toute personne démontrant y avoir un intérêt (alinéa 12, art. 596-1 CPP).

Biens susceptibles de saisie

— Extension du périmètre de saisie aux "numéraires ou autres biens meubles" (1er alinéa, art. 81-7-3 et 2e alinéa, art. 100 CPP).

— Précision que les biens corporels font l'objet d'un inventaire et sont placés sous scellés (art. 100 CPP).

— Précision que la décision de mainlevée fait l'objet d'une notification qui se limite au dispositif de la décision (art. 100 CPP).

Il s'agit de "préserver au mieux le secret de l'instruction, ce qui renforce l'efficacité de la procédure pénale".

— Ajout qu'une saisie dans un objectif confiscatoire peut porter sur une "créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie" (nouvel art. 596-1-1 CPP).

La saisie notifiée "entraîne la suspension des facultés de rachat, de renonciation, de nantissement, de délégation de ce contrat, dans l'attente d'une décision définitive au fond", ainsi que "toute acceptation postérieure du bénéfice du contrat", "et l'assureur ne peut alors plus consentir d'avances au contractant". Cette disposition "a pour objectif d'améliorer les résultats obtenus en matière de confiscation à Monaco", ainsi que sollicité par Moneyval.

Protection des biens saisis

— Création de la notion de "gardien judiciaire" (nouvel art. 596-1-2 CPP, insertions aux art. 81-7-3, 81-7-4, 99-2, 94, 100, 255 CPP).

Le gardien judiciaire ne pourra être désigné que lorsqu’un bien corporel présente des difficultés matérielles pour être saisi ou conservé dans des conditions conformes à sa nature, lorsque son propriétaire en fait la demande, ou lorsque sa garde ne peut être confiée au service de gestion des avoirs saisis ou confisqués.

Ce gardien judiciaire est responsable à ce titre de la possession du bien placé sous scellé, de sa conservation ou de son usage, pour toute la durée de la saisie et au plus tard jusqu’à l’issue de l’exécution de la décision de confiscation. Les frais de conservation du bien incombent au gardien judiciaire lorsqu’il est désigné sur demande du propriétaire.

"Lorsqu'un bien est placé sous scellés ou fait l'objet d'une décision de saisie, civile ou pénale, ou de confiscation, une personne peut être désignée comme son gardien judiciaire, responsable à ce titre de sa possession, de sa conservation ou de son usage." Il "est tenu de veiller à la conservation du bien en l'état" et doit le tenir "à la disposition des autorités judiciaires".

Le gardien judiciaire pourrait contester sa désignation par requête adressée au juge des libertés (dont l'ordonnance peut être déférée sur requête à la Chambre du conseil de la Cour d'appel), et peut à tout moment, demander à être déchargé de ses obligations.

S'agissant des saisies dans des lieux protégés tels que les cabinets d'avocats ou de médecins, seule la personne qui doit être présente au cours de la mesure pourra être désignée "gardien judiciaire".

Cette mesure vise à répondre aux préconisations de Moneyval "qui relève l'absence de mécanismes en droit monégasque pour gérer et disposer des biens gelés, saisis ou confisqués".

— Sanction de l'atteinte aux biens saisis (nouvel art. 208-2 CP, suppression à l'art. 324 CP).

Cette sanction prévue dans le droit en vigueur à l'art. 324 CP, est déplacée au sein des "entraves à la justice". Est punie toute atteinte portée au bien placé sous scellé ou faisant l'objet d'une décision de saisie ou de confiscation, afin "de garantir la conservation en l'état du bien". De même, est puni le fait de refuser de remettre le bien. Une aggravation de la peine est prévue pour les personnes dépositaires de l'autorité publique et pour le "gardien judiciaire".

Restitution et non-restitution des biens saisis

Il s'agit notamment d' "assurer la protection des droits des propriétaires saisis" et de les concilier "avec les droits des créanciers de ces propriétaires".

— Précision que le service de gestion des avoirs saisis ou confisquer peut informer les services compétents et les victimes, de l'existence de biens qui font l'objet d'une décision de restitution (nouvel art. 95-8-1 Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et l'organisation judiciaires).

Cette information vise à leur permettre "lorsqu'ils sont titulaires d'une créance, notamment fiscale, douanière, sociale ou d'indemnisation, de prendre toute disposition".

— Devenir des biens lorsqu'aucune information judiciaire n’a été ouverte ou lorsqu’aucune juridiction de jugement n'a été saisie ou n'a pu être saisie en raison du décès de l'auteur des faits, ou lorsque la juridiction de jugement saisie, ou le juge d’instruction, a définitivement épuisé sa compétence sans avoir statué sur le bien saisi (nouvel art. 38-2 CPP).

La compétence relative à l'éventuelle restitution du bien appartient alors au procureur général, d’office ou sur requête. Sont précisées les modalités de la demande de restitution et la liste des biens qui ne peuvent pas faire l'objet de cette restitution comme ceux dont la propriété est sérieusement contestée. La décision de non-restitution du procureur général peut être déférée par l'intéressé ou ses ayant-droits devant la Chambre du conseil de la Cour d'appel (recours suspensif).

En l'absence de demande de restitution dans un délai de 12 mois à compter de l'issue de la procédure, les biens non restitués deviennent la propriété de l'Etat, sous réserve des droits des tiers. Une exception est prévue pour les propriétaires de bonne foi qui n'auraient pas été en mesure de faire valoir leur droit dans le délai imparti, lesquels "peuvent exercer leur droit de réclamer la restitution des biens ou de leur contrevaleur dans le délai de 12 mois à compter du jour de leur connaissance de la procédure, et ce dans un délai butoir de 5 ans pour les biens meubles et 30 ans pour les biens immobiliers " à compter de la notification de la décision de classement sans suite ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence pour exercer son droit de revendication sur le bien saisi.

¤ Opérations sous couverture et livraisons surveillées

Faculté du procureur général ou du juge d'instruction, dans le cadre d'une commission rogatoire, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'information le justifient, d’autoriser à titre exceptionnel qu'il soit procédé, sous son contrôle, à une opération d'infiltration lorsque l’enquête ou l’information porte sur une des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées listées (1er alinéa, art 106-17 CPP).

Telles les infractions sous-jacentes à un blanchiment de capitaux, infractions liées au financement du terrorisme.

¤ Création des contrôles préventifs

— Faculté des officiers de police judiciaire et agents sous leur responsabilité, de procéder en dehors de toute enquête sur réquisitions écrites et motivées du procureur général, au besoin avec l'assistance d'un chien formé à la détection, à la visite des véhicules et navires et à la fouille des bagages, circonscrite à la recherche et la poursuite d'infractions graves listées (nouvel art. 38-1 CPP).

Telles le trafic de stupéfiants, armes et explosifs, contrefaçon, fausse monnaie, manquement aux obligations déclaratives de transport d’espèces.

¤ Opérations de perquisition

Le juge d’instruction pourra avoir recours, dans le cadre des opérations de perquisitions, à l’assistance d’un chien formé à la détection des éléments constitutifs des infractions, notamment en matière d’armes, d’explosifs, de stupéfiants ou de fausse monnaie, à l’instar du procureur général dans le cadre de ses contrôles préventifs (nouvel art. 99-4 CPP).

¤ Extradition

Le phrasé de la Loi n° 1.222 du 28 décembre 1999 relative à l'extradition est modernisé. Les termes "puissances étrangères" sont remplacés par "Etats étrangers".

Les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale sont également modifiées s'agissant des effets de l'extradition.

Conditions de l'extradition

— Précision des conditions d'application de la double incrimination, exigée pour l'extradition (nouveau 2nd alinéa, art. 2 L. 1.222)

"Dès lors que les faits constitutifs de l'infraction sont incriminés par le droit de l'Etat requérant et par le droit monégasque, la condition de double incrimination est considérée comme étant remplie, que le droit de l'Etat requérant classe ou non l'infraction dans la même catégorie d'infractions ou utilise ou nom la même terminologie que l'Etat de Monaco pour la désigner".

Cette disposition consacre l'interprétation du GAFI de l'exigence de double incrimination.

— Catégorisation des motifs de refus d'extradition, selon qu'ils sont impératifs ou que l'Etat dispose d'un pouvoir d'appréciation, avec ajouts (modification des art. 4, 5 et 6 L. 1.222)

Les motifs impératifs de refus d'extradition : 1°) infraction politique ; 2°) la prescription de l'action publique ou de la peine est acquise ; 3°) les faits ont été poursuivis et jugés définitivement à Monaco ; 4°) l'infraction est d'ordre strictement militaire. Avec la précision que "Toutefois, l'extradition peut être accordée pour les autres infractions visées dans la demande, satisfaisant aux conditions" de la double incrimination.

Les motifs de refus soumis à appréciation : infraction fiscale visant un impôt ou une taxe sans équivalent à Monaco ; l'infraction « a été commise à Monaco », ou « est l'objet de poursuites à Monaco", "a été jugée dans un Etat tiers", "est punie de la peine capitale par la loi de l'Etat requérant sauf si ledit Etat donne des assurances jugées suffisantes par la Principauté". Sont ajoutés : "les faits à raison desquels elle est demandée sont punis par la législation de l'Etat requérant d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public monégasque", "la personne réclamée risque de comparaître dans l'Etat requérant devant un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense" (en accord avec l'article 6 CEDH).

— Eléments à prendre en compte pour établir une priorisation des demandes d'extradition (nouvel art. 6-1 L. 1.222)

"Si l'extradition est demandée par plusieurs Etats, il est tenu compte, pour décider de la priorité, notamment, et selon le cas, de la date respective des demandes, de la gravité et du lieu des infractions, de la finalité des demandes, de l'engagement et de sa date qui serait pris par l'un des Etats requérants de procéder à la ré-extradition de la personne vers un autre Etat."

Pour répondre aux recommandations de Moneyval, et "A l'image des standards internationaux et en particulier de l'article 17 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957" relatif au "concours de requête".

Procédure ordinaire d’extradition

— Précision du contenu de la demande d'extradition, et des conditions sous lesquelles une copie d’une décision de condamnation exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même valeur juridique sera considérée comme certifiée conforme (modification de l'art. 9 L. 1.222)

Ajout de "la date ou la période" des faits pour lesquels l'extradition est demandée, 'la nature et la date des actes interruptifs de prescription". Précision qu'il est joint à la demande une copie des dispositions légales "prévoyant et réprimant les infractions concernées ainsi que, le cas échéant, la copie des dispositions relatives à la prescription de l'action publique ou de la peine".

Il est précisé que la certification devra porter sur l’intégralité des documents, tout comme leur traduction en langue française qui devra être intégrale et réalisée par un traducteur ou interprète professionnel et ainsi faire obstacle aux traductions réalisées par des outils informatiques, n’apportant pas les garanties nécessaires pour s’assurer de la fidélité de la traduction.

— Déroulé de la procédure d'arrestation provisoire en cas d'urgence (modification des art. 10, 11 et 12 L.1222)

• Possibilité de proroger pour une nouvelle période de 20 jours maximum, le délai de 20 jours après l'arrestation, accordé à la représentation diplomatique ou consulaire de l'Etat requérant pour transmettre la demande d'extradition et ses pièces, étant à défaut mis fin à l'arrestation provisoire, à l’écrou extraditionnel ou au contrôle judiciaire. Sur simple demande préalable de l’autorité requérante qui peut être adressée par tout moyen laissant une trace écrite.

Cet allongement du délai a été demandé par la Direction des Services judiciaires, afin de "tenir compte des exigences de la pratique qui impliquent parfois des délais supérieurs à celui de vingt jours actuellement prévu, alors que la transmission des pièces au Procureur général a lieu par voie diplomatique et que les autorités requérantes sont saisies par Interpol et par une information officielle du Directeur des Services Judiciaires".

• Ajout que la requête d’arrestation provisoire doit préciser si tout ou partie de la peine a été exécutée, la qualification légale de l’infraction, le bref exposé des faits qui fondent le mandat d’arrêt.

• Introduction de la possibilité de placer sous contrôle judiciaire la personne réclamée qui a été interpellée dans le cadre de la demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition.

Au lieu du placement sous mandat d'arrêt, le placement sous contrôle judiciaire pourrait être accordé à condition que la personne réclamée élise domicile chez un avocat-défenseur ou avocat si elle n’est pas domiciliée en Principauté.

La personne réclamée, qui n’aurait pas été présentée au juge d’instruction dans les 24 heures de son interpellation, devra être remise en liberté.

Suppression de l'impossibilité pour le juge d'instruction de notifier à la personne réclamée (et le cas échéant son conseil) la teneur des documents en vertu desquels l'arrestation provisoire a été demandée.

Disposition qui "pourrait être considérée comme portant une atteinte disproportionnée aux libertés et ne paraît pas appliquée en pratique".

• Nouvelles garanties procédurales applicables à l'arrestation provisoire aux fins d'extradition.

"Le juge d'instruction avise la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, qu'elle a la faculté le cas échéant de consentir à être extradée en la forme simplifiée (voir infra), après lui avoir indiqué les conséquences juridiques de son consentement. Il l'informe également qu'elle a la faculté de renoncer au principe de la spécialité* (voir infra) après lui avoir indiqué les conséquences juridiques d'une telle renonciation.

"Le juge d'instruction avise la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, qu'elle a également, devant la chambre du conseil de la cour d'appel, la faculté le cas échéant de consentir à son extradition sous la forme simplifiée, ou de s'opposer à son extradition et de renoncer au principe de spécialité".

Le procès-verbal mentionnant l’accomplissement de ces formalités et les informations portées à la connaissance de la personne réclamée est établi. Une copie est remise à l’intéressé et à son avocat.

* Le principe de spécialité vise à empêcher le pays requérant l'extradition, de juger l'extradé pour des faits qui n'ont pas été compris dans le décret d'extradition du pays requis. Il implique ainsi une totale adéquation entre le fait objet de l'extradition et le fait pour lequel l'extradé sera jugé et purgera sa peine.

— Procédure devant le juge d'instruction et la chambre du Conseil de la Cour d'Appel (modification des art. 13, 14, 15, 16 et nouvel art. 16-1 L. 1.222)

• Clarification que le contrôle préalable de la conformité de la demande d’extradition aux exigences de la loi, relève de la compétence du seul Secrétaire d’Etat à la justice – Directeur des Services judiciaires.

• Précision que la localisation de la personne recherchée relève de la compétence des agents de la Direction de la Sûreté publique et son interpellation de la compétence des officiers de police judiciaire.

Ajout de l'obligation du juge d'instruction d'informer la personne réclamée qu'elle peut se faire assister par un avocat de son choix ou commis d'office.

Afin "de renforcer les droits de la défense et les garanties procédurales".

• Ajout que les demandes de mise en liberté de la personne réclamée relèvent des "dispositions du Code pénal relatives à la mise en liberté ou au placement sous contrôle judiciaire de l'inculpé", laquelle "ne sera ordonnée qu'en présence de sérieuses garanties de représentation, et à la condition que l'intéressé élise domicile chez un avocat-défenseur ou un avocat si elle n'est pas domiciliée dans la Principauté."

• Faculté de la Chambre du conseil de la Cour d'appel de "solliciter des autorités requérantes des informations complémentaires. Sa décision fixera un délai de communication des pièces qui ne saurait être supérieur à 15 jours à compter de ladite décision".

"Un tel délai permet de laisser un temps suffisant aux autorités étrangères pour faire traduire les pièces ainsi que les explications à transmettre à la Principauté", ce qui répond à la recommandation de Moneyval "de ne pas opposer d'exigences de formes excessives, en matière d'extradition".

Cette demande d’informations complémentaires ne peut porter que sur les pièces communiquées à l’appui de la demande d’extradition. Elle ne peut avoir pour objet d’obtenir les pièces ou informations qui auraient dû être communiquées et qui ne l’ont pas été.

Les réponses des autorités des étrangères aux demandes d’informations devront être rédigées ou traduites en langue française.

Création d'une procédure d'extradition simplifiée

Il s'agit de répondre à la recommandation de Moneyval et à la Méthodologie du GAFI selon laquelle "les pays devraient disposer, conformément aux principes fondamentaux de leur droit interne, e mécanismes simplifiés d'extradition, par exemple en autorisant la transmission directe des demandes d'arrestation provisoire entre les autorités compétentes, l'extradition des personnes sur le seul fondement d'un mandat d'arrêt ou d'un jugement, ou l'extradition simplifiée des personnes réclamées acceptant de renoncer à la procédure formelle d'extradition."

La procédure simplifiée est fondée sur le consentement de la personne réclamée. Tant que le Prince n’a pas statué sur la demande d’extradition, la personne réclamée peut révoquer son consentement à être extradée selon la procédure simplifiée, ce qui a pour conséquence dans ce cas de lui voir appliquer la procédure ordinaire (nouveaux art. 17-1, 17-2, 17-3, 17-4, 17-5 L. 1.222).

Quelle que soit la procédure, le Prince statue sur la demande d'extradition au vu du rapport du Secrétaire d’Etat à la Justice-Directeur des Services Judiciaires (sur avis de la Chambre du conseil de la Cour d'appel).

Effets de l'extradition

— Allongement des délais de prise en charge par l'Etat requérant de la personne réclamée (modification de l'alinéa 3, art. 18 L. 1.222).

"Si l'État requérant ne prend pas en charge l'individu au lieu et à la date fixés ci-dessus, celui-ci est mis en liberté à l'expiration d'un délai de 15 jours [au lieu de 8 jours]. Sur demande motivée de l'État requérant, ce délai peut être porté à 30 jours [au lieu de 15 jours]".

Cette allongement des délais est motivée par "Des raisons pratiques liées à la situation géographique de Monaco (...) dans la mesure où une autorisation est requise pour organiser le transit de la personne via le territoire français".

Le délai de 30 jours est prévu à l’article 18.4 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.

— Précision du mécanisme de remise différée de la personne réclamée pour qu'elle "puisse purger une peine prononcée par une juridiction monégasque, ou tant que sa présence sur le territoire de la Principauté est nécessaire à des investigations en cours ou devant y être suivies (modification de l'art. 19 L. 1.222).

"Cette décision ne fait pas obstacle à ce que la personne réclamée puisse être remise temporairement pour comparaître devant les autorités judiciaires de l'Etat requérant sous la condition expresse qu'elle sera renvoyée à la date convenue".

— Réécriture du principe de spécialité (modification de l'art. 21 L. 1.222).

"Si la personne réclamée n'a pas entendu renoncer au principe de la spécialité, l'extradition n'est accordée qu'à la condition que la personne extradée ne sera ni détenue, ni poursuivie, ni jugée, ni soumise à aucune limitation de sa liberté personnelle sur le territoire de l'État requérant pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui pour lequel l'extradition a été accordée."

— Ajout que "Lorsque la Principauté a obtenu l'extradition d'une personne en vertu d'un mandat d'arrêt délivré par une juridiction d'instruction, la période de privation de liberté subie à l'étranger sera intégralement prise en compte dans le calcul de la durée de détention provisoire" (nouveau dernier alinéa, art. 194 CP).

Si elle n’est pas préalablement connue, la période de privation de liberté subie à l’étranger ne sera prise en compte qu’à compter du jour de sa communication aux autorités monégasques. Il s’agit de pallier les éventuelles carences des autorités étrangères requises dans le cadre des échanges d’informations et éviter ainsi que les actes qui auraient été réalisés avant la réception de cette information par les autorités monégasques n’encourent la nullité.

Ajout que "en cas d'extradition, la prescription est suspendue (et non interrompue) du jour de la demande au jour de la remise de la personne aux autorités monégasques." (nouvel art. 633-1 CPP).

2. Renforcement du caractère dissuasif du dispositif pénal

¤ Mandat d'arrêt

Délit puni d'une peine égale ou supérieure à 5 ans d'emprisonnement : en l'absence du prévenu régulièrement cité à l’audience de manière non justifiée et lorsqu’il n’est pas représenté, le Tribunal correctionnel doit "si la peine prononcée consiste en de l'emprisonnement ferme d'au moins 6 mois, décerner mandat d'arrêt contre le prévenu sauf décision contraire motivée" (nouvel alinéa 3, art. 395 CPP).

Un nouveau délai de 5 jours pèse sur la juridiction afin de statuer sur toute demande de mise en liberté formée par le prévenu. A défaut de décision dans ce délai précité, le prévenu est remis en liberté.

Délit flagrant / Infraction non flagrante faisant encourir une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 3 ans : le Tribunal correctionnel "se prononcera en outre sur les effets du mandat d'arrêt décerné [par le procureur général] en application de l'article 399" (nouveau 3e alinéa, art. 400 CPP -"Cela conduira le tribunal à, systématiquement, se positionner sur la nécessité ou non de prononcer un mandat d'arrêt."), et "peut, quelle que soit la durée d'emprisonnement prononcée, ordonner le maintien des effets du mandat d'arrêt décerné " (nouvel art. 400-1 CPP).

— Elargissement de la possibilité pour la Cour d'appel de décerner mandat d'arrêt (qui n'est plus limité au cas de "délit de droit commun et si la peine prononcée est au moins d'une année") ou d'"ordonner le maintien des effets du mandat d'arrêt décerné" par le procureur général, "quelle que soit la durée d'emprisonnement prononcée" (nouveaux derniers alinéas, art. 418 CPP).

— Pourvoi en révision : "Pendant le délai de pourvoi et, s'il y a eu recours, jusqu'à l'arrêt de la cour de révision statuant sur le recours, il sera sursis à l'exécution de la décision, sauf en ce qui concerne l'exception relative au mandat d'arrêt décerné en application des articles 395 et 399" (outre les condamnations civiles) (modification du 1er alinéa de l'art. 473 CPP).

— Mises à jour du Code de procédure pénale (modification des art. 149 à 151, 155, 156, 158, 159, 165 CPP)

• Suppression de la référence au seul inculpé en matière de mandat en ce que l’inculpation relève de la prérogative exclusive du juge d’instruction alors que le mandat peut être délivré également par les magistrats du Parquet Général, ainsi que par les Cours et les juridictions.

• Précision des mentions obligatoires devant figurer au mandat d’arrêt et d’amener.

•Précision que le mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction vaut inculpation lorsque ce dernier vise une personne en fuite ou résidant à l’étranger et qui ne comparait pas, de manière non justifiée, à ses convocations.

¤ Entrave à la justice

— Sanction de "Quiconque refuse, sans motif légitime, de répondre aux réquisitions visées à l’article 81-6-1 du Code de procédure pénale dans le délai imparti, après un premier rappel formalisé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" (nouvel art. 208-3 CP, reprenant les éléments du 5e alinéa de l'art. 81-6-1 supprimés).

Personne physique ; peine d'emprisonnement de 3 à 6 mois et amende de 18 000 à 90 000 euros.

Personne morale : peine d'amende à l'encontre des personnes physiques portée au décuple, par dérogation à l'art. 29-2 CP (porté au quintuple), suivant "un mouvement de répression renforcée."

¤ Infraction de blanchiment

— Caractérisation du blanchiment :

• Amélioration de la qualification de l'infraction par l'ajout des termes "directement ou indirectement" (chiffre 1°), 1er et 2e tirets, art. 218 CP).

"1° Sera puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26, dont le maximum pourra être porté au décuple :

- quiconque aura sciemment apporté son concours à la conversion ou au transfert de biens, capitaux ou revenus, directement ou indirectement, dont il sait ou soupçonne qu'ils sont d'origine illicite, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine ou d'aider toute personne impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

- quiconque aura sciemment participé à la dissimulation ou au déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou des droits y relatifs , directement ou indirectement, dont l'auteur sait ou soupçonne qu'ils sont des biens, capitaux ou revenus d'origine illicite ;"

• Remplacement des termes "organisation criminelle" par la notion de "bande organisée" qui est "définie par le Code pénal, ce qui n'est pas le cas de l'organisation criminelle" (modification du 2nd alinéa du chiffre 2°), 1er tiret de l'art. 218 CP).

"Les modification rédactionnelles ainsi apportées permettent d'homogénéiser les notions traitées par le Code pénal et de gagner en clarté. (...) Une définition plus précise de l'infraction de blanchiment permet un gain en termes de sécurité juridique, mais permet également de clarifier les éléments constitutifs de cette infraction. Cela pourra conduire à combler les difficultés probatoires pointées par le rapport Moneyval".

— Sanction du blanchiment : augmentation du montant de l'amende applicable pour renforcer "l'arsenal répressif en cohérence avec les préconisations émises par le GAFI" (nouveaux derniers alinéas de l'art. 218-1-1 et de l'art. 218-5 CP).

Par dérogation à l'art. 29-2, la peine d'amende applicable aux personnes morales pourra être élevée au décuple de la somme sur laquelle a porté l'infraction.

¤ Infractions de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive

— Sanction : comme pour l'infraction de blanchiment, augmentation du montant de l'amende (modification des 2nd alinéas des art. 391-7 et 391-9 CP ; nouveaux alinéas aux art. 391-10 et 391-12-1 CP).

Par dérogation à l’article 29-2, la peine encourue par la personne morale du fait de ces infractions est le maximum de la peine d'amende prévue pour les personnes physiques portée au décuple.

— Pourra être qualifié d'acte de terrorisme "4°) Le fait, sans autorisation, de détenir, de rechercher, de se procurer, de transférer ou d'exporter, de concevoir, ou de fabriquer des armes nucléaires, chimiques ou biologiques, leur vecteurs et tout matériel ou donnée connexe." (modification du dernier alinéa de l'art. 391-1 CP).

— Sont nouvellement appréhendés comme acte de terrorisme, le financement de voyages à l'étranger aux fins de terrorisme, et le financement de la prolifération des armes de destruction massive (nouveaux art. 391-7-1 et 391-7-2 CP : définitions, peines encourues, compétence des juridictions monégasques).

¤ Bulletin destiné à être classé au casier judiciaire

— Figureront également au Bulletin les décisions disciplinaires qui édictent des "interdictions d'exercer même à titre temporaire assorties ou non de sursis, exclusions, destitutions, révocations ou radiations ou fixent une amende" (modification de l'art. 651 CPP).

¤ Interdiction de séjour

— Extension de la possibilité pour les tribunaux de prononcer cette peine complémentaire : "En cas de condamnation pour crimes ou délits" (au lieu de "Dans les cas prévus par la loi") (modification de l'art. 37-3 CP).

¤ Nouvelle infraction de non justification de ressources (nouvel art. 340-1 CPP)

Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l'origine d'un bien détenu dont la valeur ne correspond pas à ce train de vie, tout en étant en relations avec une ou plusieurs personnes qui commettent ou ont commis des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de l’amende prévue au chiffre 4°) de l’article 26.

Est puni des mêmes peines le fait de faciliter la justification de ressources fictives pour des personnes qui commettent ou ont commis des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect.

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