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18

sept.
2024

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Droit international et européen

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Droit public

18/ sept.
2024

Articles

Droit pénal — Droit international et européen — Droit de la famille — Droit public

Lutte contre la violence à l’égard des femmes et domestique à Monaco : Premier rapport d’évaluation thématique du GREVIO (Septembre 2024)

Présentation

La Principauté de Monaco est partie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011 (Convention d’Istanbul), en vigueur à son égard depuis le 1er février 2015.

Elle s'est ainsi engagée à adopter un certain nombre de mesures en matière de prévention, protection, poursuites judiciaires et politiques intégrées (c'est-à-dire globales et coordonnées entre les différents acteurs au niveau national : organismes et pouvoirs publics, ONG).

S'agissant du mécanisme de suivi, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) est chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul par les Etats parties. Ses membres sont élus par le Comité des Parties, l'organe politique du mécanisme de suivi composé des représentants des Etats Parties à la Convention. Sur la base des rapports et conclusions du GREVIO, le Comité des Parties adopte des recommandations qui se concentrent sur les mesures prioritaires à prendre dans les domaines qui nécessitent une action urgente ou plus immédiate, et en supervise la mise en œuvre.

Le cycle d'évaluation de référence (2015-2021) a donné un aperçu de la mise en œuvre des dispositions de la Convention d'Istanbul par Monaco.

Le premier cycle d’évaluation thématique "Etablir un climat de confiance en apportant soutien, protection et justice" a été lancé en 2022, et le GREVIO a publié son premier rapport sur Monaco pour ce cycle le 12 septembre 2024.

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Le cycle d'évaluation de référence de Monaco (2015-2021)

Sur la base du Rapport d’évaluation de référence de Monaco (GREVIO/Inf(2017)3) ainsi que des Commentaires du Gouvernement monégasque sur le rapport de référence (GREVIO/Inf(2017)12) publiés le 27 septembre 2017, le Comité des Parties a émis les Recommandations IC-CP/Inf(2018)2 suivantes, publiées le 30 janvier 2018, sur la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul par Monaco :

  1. inclure une perspective de genre comprenant la prévention des inégalités entre les femmes et les hommes et des stéréotypes sexistes dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention au plan national, afin d’appréhender la nature structurelle de la violence faite aux femmes, y inclus la violence domestique (paragraphe 5 du Rapport du GREVIO) ;
  2. adopter une définition de violence domestique qui soit conforme à la définition donnée à l’article 3.b de la Convention (paragraphe 7) ;
  3. poursuivre des politiques en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et prendre en considération les propositions supplémentaires formulées par le GREVIO (paragraphe 12) ;
  4. désigner ou constituer un organisme pouvant impulser les politiques en matière de prévention et de lutte contre la violence faite aux femmes et un plan national d’action (paragraphe 22) ;
  5. associer à cet organisme les référents et référentes des différents services et institutions concernés, les instances normatives de Monaco, le Haut Commissaire à la protection des droits et des libertés et à la médiation et les associations pertinentes (paragraphe 24) ;
  6. mettre en place une instance indépendante chargée du suivi et de l’évaluation des politiques intégrées en matière de lutte contre la violence faite aux femmes (paragraphe 27) ;
  7. renforcer le soutien accordé aux organisations non gouvernementales impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes. et nouer un partenariat avec la société civile qui réponde aux exigences de l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la Convention (paragraphe 32) ;
  8. systématiser et rationnaliser à tous les niveaux la collecte des données en matière de violence faite aux femmes et rendre ces données accessibles au public, en s’inspirant de la terminologie employée dans la Convention : au minimum, ces données devraient être ventilées par sexe, âge, type de violence, relation entre l’auteur et la victime et localisation géographique, ainsi que d’autres facteurs considérés pertinents, tel que le handicap (paragraphe 36) ;
  9. mener régulièrement des enquêtes de victimation à Monaco, en gardant à l’esprit l’exigence de la confidentialité, et á cette fin examiner la faisabilité d’une enquête menée par l’ensemble des services de santé hospitaliers ou autres professionnels et professionnelles de santé (paragraphe 39) ;
  10. assurer une permanence téléphonique répondant à tous les critères de l’article 24 de la Convention, y compris en termes de couverture horaire (paragraphe 85).

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Les principales mesures prises par les autorités monégasques depuis l'évaluation de référence

  • Création du Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes (Ordonnance Souveraine n° 7.178 du 25 octobre 2018) qui permet au Gouvernement de développer son action de manière coordonnée et en concertation avec les autres institutions et la société civile (Rapport d'activité 2022, 2023 du Comité) ;
  • Collecte de données sur les violences faites aux femmes par l’Institut Monégasque de la Statistique et des Etudes Economiques (IMSEE) depuis 2019, et élargissement aux violences aux hommes et aux personnes mineures depuis 2023 ;
  • Plan de formation des professionnels à l’accueil et à la prise en charge des victimes de violences conjugales depuis 2020 ;
  • Réformes législatives :
  • Ressources financières allouées au Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes et aux associations qui œuvrent pour les droits des femmes ;

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Le premier cycle d’évaluation thématique "Etablir un climat de confiance en apportant soutien, protection et justice" de Monaco (2022-2024)

Le premier cycle d’évaluation thématique du GREVIO sur la base du questionnaire adopté le 13 octobre 2022, est consacré :

  • aux changements après l’achèvement de la procédure d’évaluation de référence, dans des domaines clés comme les politiques globales et coordonnées, l’allocation des ressources financières et la collecte des données (Partie I) ;
  • à la mise en œuvre de certaines dispositions dans les domaines prioritaires de prévention, de protection et de poursuites des auteurs de violence (Partie II) ;
  • aux nouvelles tendances en ce qui concerne la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Partie III) ;
  • aux statistiques annuelles, de nature administrative et judiciaire (Partie IV).

La Principauté a soumis son Rapport étatique (GREVIO/Inf(2023)14) le 16 juin 2023 (publié le 23 juin 2023). La délégation du GREVIO a effectué une visite sur place du 2 au 5 octobre 2023 et tenu des réunions avec des représentants des autorités et organismes publics, des ONG et de la société civile travaillant dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence à l'égard des femmes.

Sur cette base, le Premier rapport d'évaluation thématique du GREVIO "Établir un climat de confiance en apportant soutien, protection et justice" (GREVIO(2024)3) adopté le 21 juin 2024, a été publié le 12 septembre 2024, de même que les Observations de Monaco sur ledit Rapport. Le Premier Rapport décrit la situation observée par le GREVIO jusqu'au 22 mars 2024, et le cas échéant, les développements pertinents intervenus jusqu'au 21 juin 2024 ont également été pris en compte.

Les propositions et suggestions du GREVIO sont en substance les suivantes :

  • Définitions (article 3 de la Convention d'Istanbul) : adopter une définition de la violence domestique qui soit entièrement conforme à la définition donnée à l’article 3.b de la Convention (paragraphe 8 du Rapport).
  • Politiques globales et coordonnées (article 7) : élaborer une stratégie globale à long terme, proposant un ensemble de politiques complètes et coordonnées pour prévenir et combattre toutes les formes de violence visées par la Convention, en y incluant des mesures spécifiques de prévention des violences contre des catégories particulières de femmes, telles que les femmes en situation de handicap, les travailleuses étrangères ou encore les femmes en situation de prostitution (paragraphe 17) ; évaluer ces politiques de façon régulière et sur la base d’indicateurs préétablis : impact et fiabilité (paragraphe 18).
  • Ressources financières (article 8) : continuer à allouer des ressources suffisantes aux programmes et mesures de prévention et de lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique ; poursuivre et pérenniser le soutien alloué aux organisations actives en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et d’accompagnement des victimes (paragraphe 22).
  • Collecte des données (article 11) : poursuivre le développement de la collecte de données concernant toutes les formes de violence à l’égard des femmes visées par la Convention, ventilées en fonction du sexe et de l’âge de la victime et de l’auteur, de leur relation et de la localisation géographique, afin de mieux évaluer l’étendue de cette violence et la réponse des autorités ; disposer dans les plus brefs délais de données complètes sur la procédure judiciaire et le nombre d’ordonnances de protection émises, leur respect et les sanctions en cas de non-respect (paragraphe 28).
  • Domaines prioritaires en matière de prévention :
    • Obligations générales (article 12) : étendre les actions à d’autres formes de violence que la violence domestique, visées par la Convention (paragraphe 37) ; mener régulièrement des évaluations d’impact des campagnes et autres mesures de prévention des violences à l’égard des femmes (paragraphe 38). Le Gouvernement a observé qu'un nouvel outil devrait être prochainement mis en place pour renforcer les dispositifs déjà existants en Principauté : le "violentomètre", "destiné à faciliter l’auto-évaluation d’une situation de violence conjugale, permettra notamment de sensibiliser les potentielles victimes sur un plus grand nombre de formes de violences, qu’elles soient économiques, administratives, psychologiques, ou encore physiques et sexuelles" (Observations de Monaco, pp. 5-6).
    • Formation des professionnels (article 15) : régulière et obligatoire pour tous les professionnels concernés, y compris la magistrature ; y inclure toutes les formes de violences fondées sur le genre couvertes par la Convention, ainsi que des modules portant sur la détection et la prise en charge de femmes victimes de violence exposées à des discriminations intersectionnelles ; accès des avocat·es à des formations sur les violences à l’égard des femmes ; impliquer les ONG monégasques actives dans le soutien et l’accompagnement des
      femmes victimes de violence dans les équipes de formation. Le Gouvernement a observé que "L'Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires et le Comité monégasque pour la promotion et la protection des droits des femmes se sont rapprochés pour définir les modalités d'un partenariat, dans le cadre des formations sur les violences faites aux femmes. Deux projets communs sont d'ores et déjà envisages pour l’année 2024." (Observations de Monaco, p. 7).
    • Programmes préventifs d’intervention et de traitement (article 16) : mettre en place des programmes de responsabilisation des auteurs de violence visant à prévenir la récidive et à les responsabiliser pour leurs actes, y compris de violence sexuelle (paragraphe 56).
  • Domaines prioritaires en matière de protection et soutien :
    • Obligations générales (article 18) : poursuivre le développement de la coopération interinstitutionnelle qui doit porter sur toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et être fondée sur une approche sensible au genre, centrée sur les droits, la sécurité et la protection des femmes victimes de violence, ainsi que leur autonomisation ; continuer à développer des protocoles standardisés de coopération interinstitutionnelle afin d’assurer un soutien et une protection effectifs à toutes les femmes victimes de violence (paragraphe 63).
    • Services de soutien généraux - Services de santé (article 20) : mettre en place des protocoles visant à renforcer la capacité des professionnel·les à détecter systématiquement les cas de violence à l’égard des femmes ; élargir les dispositifs de prise en charge par la DASO et les services de santé à toutes les formes de violence à l’égard des femmes visées par la Convention, y compris les mutilations génitales féminines ; considérer la possibilité de mettre en place un système d’accès prioritaire à un logement indépendant pour les femmes victimes de violence (paragraphe 77). Le Gouvernement a observé que "Le dépistage des violences à l’égard des femmes est réalisé, notamment, au service de maternité du Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG) pour toutes les parturientes ainsi que pour les patientes en consultation de routine, comme le recommande d’ailleurs la Haute autorité de santé française" (Observations de Monaco, p. 7).
    • Services de soutien spécialisés (article 22) : mise en place d'une ligne nationale d’écoute spécialisée pour les femmes victimes de violences, gérée en étroite coopération avec les ONG spécialisées, avec une assistance multilingue et des aménagements afin de s’assurer que les femmes en situation de handicap et les femmes étrangères aient accès à ce service (paragraphe 85) ; poursuivre le développement de services spécialisés permettant de répondre aux besoins des femmes victimes de toutes les formes de violence visées par la Convention, et leur accès aux femmes exposées à des discriminations intersectionnelles (paragraphe 86).
    • Soutien aux victimes de violence sexuelle (article 25) : considérer la possibilité de mettre sur pied un centre d’aide d’urgence spécialisé pour les victimes de viol et de violences sexuelles afin que ces dernières aient accès à des conseils et du soutien psychologique à court et long terme (paragraphe 89).
  • Domaines prioritaires en matière de droit matériel :
    • Garde, droit de visite et sécurité (article 31) : veiller à ce que l’impact négatif sur les enfants de la violence à l’égard des femmes soit pris en compte dans la législation et que les incidents de violence à l’égard des femmes soient un critère juridique contraignant lors de la prise de décisions concernant les droits de garde et de visite ; analyser la jurisprudence concernant la manière dont les tribunaux considèrent les incidents de violence et comment ils motivent leurs décisions en matière de garde et de droit de visite, afin d’être en mesure d’évaluer les évolutions à cet égard (paragraphe 98) ; poursuivre les actions visant à sensibiliser tous les professionnels concernés aux effets néfastes de la violence sur les enfants, y compris les enfants témoins, et à les familiariser avec les dispositions de la Convention d'Istanbul relatives au règlement du droit de garde et de visite (paragraphe 99).
  • Domaines prioritaires en matière d'enquêtes, poursuites, droit procédural et mesures de protection :
    • Obligations générales, réponse immédiate, prévention et protection. Taux de condamnation (articles 49 et 50) : améliorer la réponse policière aux violences à l’égard des femmes, y compris dans leur dimension numérique, en s’assurant que la police soit formée de façon adéquate à propos de toutes les formes de violence couvertes par la Convention et soit en mesure de prendre en charge de façon effective les femmes victimes de toutes ces formes de violence (paragraphe 115) ; veiller à ce que le traitement, par les tribunaux, des cas de violence à l’encontre des femmes soit solidement ancré dans une compréhension fondée sur le genre de la violence faite aux femmes et à garantir, par le biais de la formation des professionnel·les concerné·es, que les auteurs de toutes les formes de violence visées par la Convention répondent de leurs actes et d’accroitre ainsi la confiance des femmes victimes de violence dans le système judiciaire (paragraphe 116) ; analyser la jurisprudence pertinente pour être en mesure d’évaluer l’efficacité de la réponse pénale à la violence à l’encontre des femmes et d’amender si nécessaire la législation et les pratiques (paragraphe 117).
    • Appréciation et gestion des risques (article 51) : généraliser la pratique de l’évaluation coordonnée des risques à tous les services en contact avec les victimes et de l’appliquer à tous
      les cas de violence à l’encontre des femmes visés par la Convention, sur la base d’un outil commun, et considérer la possibilité d’inclure les strangulations non-mortelles dans les facteurs à considérer lors de l’évaluation des risques (paragraphe 123) ; mettre en place un mécanisme d’examen rétrospectif des affaires de meurtres, tentatives de meurtre et suicides et
      tentatives de suicide commis dans le contexte de la violence domestique
      et à identifier les lacunes dans la réponse institutionnelle et/ou judiciaire qui ont pu conduire à l’issue fatale
      (paragraphe 124).
    • Ordonnances d’injonction ou de protection (article 53) : veiller à ce qu'elles soient appliquées aux enfants afin de limiter les risques pour leur sécurité, et s’assurer qu'elles soient disponibles et accessibles aux victimes de toutes les formes de violence visées par la Convention (paragraphe 133).
    • Mesures de protection (article 56) : protéger les droits et les intérêts des victimes pendant les enquêtes et les procédures judiciaires et s’assurer que les femmes victimes de toutes les formes de violence visées par la Convention d’Istanbul, et les enfants exposés à la violence, soient effectivement protégés contre les risques de représailles, d’intimidation ou de victimisation secondaire (paragraphe 139).

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Quelques liens utiles :

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