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Actualités juridiques

Droit international et européen

Droit public

19/ juil.
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Droit international et européen — Droit public

Le principe de la présomption d'innocence ne s'applique pas aux mesures de police administrative sans caractère répressif

Jurisprudence administrative • Tribunal Suprême de Monaco

SYNTHESE

Le principe de la présomption d'innocence ne peut être utilement invoqué contre une décision relevant de la catégorie des mesures de police administrative qui ne constituent pas des sanctions à caractère de punition.

Le Tribunal Suprême a eu l'occasion de le rappeler dans deux décisions récentes :

TS 2023-15, 18 juin 2024, d. A. c/ État de Monaco • Recours en annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Directeur du Travail abrogeant un permis de travail - décision implicite de rejet du recours gracieux (rejet)

TS 2023-01, 30 novembre 2023, Monsieur A. M. c/ État de Monaco • Recours en annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Ministre d'Etat refusant l'approbation des statuts et de constitution d'une société anonyme monégasque - décision implicite de rejet du recours gracieux (rejet)

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EN DÉTAIL

¤ TS 2023-15, 18 juin 2024, d. A. c/ État de Monaco Recours en annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Directeur du Travail abrogeant un permis de travail (rejet)

  • La décision du 24 octobre 2022 abrogeant le permis de travail qui avait été octroyé au requérant le 24 février 2020, une mesure de police administrative, était fondée sur les résultats d'une enquête réalisée par la Direction de la Sûreté publique sur le fondement de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, et de l'arrêté ministériel n° 2016-622 du 17 octobre 2016 ;
  • L'enquête avait révélé que le requérant avait été mis en cause en qualité d'auteur dans la commission de faits de violences conjugales en état de récidive, pour lesquels il avait été condamné le 8 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de Nice ;
  • Le Directeur du Travail avait estimé sur la base de cette enquête que « Cette situation [est] d'évidence susceptible de porter atteinte à l'ordre public » et que le requérant ne présentait plus les « garanties appropriées » à l'occupation de son emploi sur le territoire monégasque ;
  • Le requérant opposait que le Directeur du Travail avait méconnu le principe de la présomption d'innocence, garanti par l'article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoquant notamment que la décision était fondée sur des faits pour lesquels le Tribunal correctionnel de Nice l'aurait relaxé par un jugement du 22 juin 2022, et qu'il n'aurait pas été tenu compte que depuis la condamnation du 8 octobre 2020, il n'avait jamais troublé l'ordre public et fait l'objet de la moindre remontrance par les autorités monégasques ;
  • Le Tribunal Suprême a considéré "que le principe de la présomption d'innocence ne s'applique pas aux mesures de police administrative, qui ne constituent pas des sanctions ayant le caractère de punition ; que la décision attaquée ne constitue pas une telle sanction ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;".

¤ TS 2023-01, 30 novembre 2023, Monsieur A. M. c/ État de Monaco • Recours en annulation pour excès de pouvoir d'une décision du Ministre d'Etat refusant l'approbation des statuts et de constitution d'une société anonyme monégasque (rejet)

  • La décision du 17 février 2022 refusant d'accorder l'autorisation de créer la société, une mesure de police administrative, était fondée sur les résultats d'une enquête réalisée par la Direction de la Sûreté publique sur le fondement de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, et de l'arrêté ministériel n° 2016-622 du 17 octobre 2016 ;
  • L'enquête avait révélé que le requérant était placé sous contrôle judiciaire depuis le 8 novembre 2021 dans le cadre d'une commission rogatoire pour des infractions économiques (chefs "d'escroqueries, de complicité d'escroqueries, d'exercice sans autorisation des fonctions d'expert-comptable et de comptable agréé, de blanchiment ainsi que de complicité de recel de blanchiment") ;
  • Le Ministre d'État avait estimé sur la base de cette enquête que le requérant ne présentait pas « toutes les garanties de moralité que l'administration est en droit d'attendre du fondateur et futur actionnaire d'une société anonyme monégasque » ;
  • Le requérant opposait la violation du principe de la présomption d'innocence, consacré par l'article 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ainsi que par l'article 180 du Code de procédure pénale, invoquant notamment que dans le cadre de son placement sous contrôle judiciaire, le Magistrat instructeur ne lui avait pas interdit de poursuivre ses activités professionnelles en lien avec la gestion ou l'administration de sociétés monégasques, et que les décisions attaquées revenaient à affirmer qu'une personne placée sous contrôle judiciaire est nécessairement coupable de l'infraction pénale qui lui est reprochée alors même que l'instruction n'est pas achevée, alors qu'au contraire le principe de la présomption d'innocence aurait dû jouer en sa faveur ;
  • Le Tribunal Suprême a considéré "que le principe de la présomption d'innocence énoncé par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne s'applique pas aux mesures de police administrative ; que dès lors le moyen tiré de la violation de ce principe est inopérant ;".

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NOTE :

Voir également TS 2010/04, 29 novembre 2010, T. c/ Ministre d'ÉtatRecours en annulation d'une décision du Ministre d'Etat de refus d'abrogation d'une mesure de refoulement du territoire monégasque ("Considérant que le principe de la présomption d'innocence ne s'applique pas aux mesures administratives ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des articles 14-2 du Pacte et 6-2 de la Convention européenne précités sont inopérants ;").

La position du Tribunal Suprême est de même celle retenue par le juge administratif français (voir par ex. pour une décision récente, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème Chambre, 11 juin 2024, 23LY00443 : "(...) Mme A... ne peut utilement invoquer la présomption d'innocence, alors que la décision attaquée est en tout état de cause une mesure de police sans caractère répressif").

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