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28

févr.
2025

Actualités juridiques

Droit public

28/ févr.
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Droit public

Jurisprudence • Tribunal Suprême (Février 2025)

Notre Département Droit administratif vous présente deux décisions du Tribunal Suprême de Monaco de février 2025, d'intérêt au regard de la qualification des retraits d'autorisation d'exercer et d'invocation à leur encontre des principes constitutionnels et conventionnels en matière répressive, ainsi que du rappel des principes applicables en matière de preuve, de substitution de motifs, d'injonction à l'administration.

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Tribunal Suprême, 7 février 2025, r.D c/ État de Monaco (rejet) — Révocation d'autorisation d'exercer • Avis de la Commission • Qualification de la mesure • Droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 CEDH) • Principes en matière répressive (article 20 Constitution, article 4 Protocole n° 7 CEDH)

Objet du recours :

Décision du Tribunal Suprême (rejet de la requête) :

• AVIS DE LA COMMISSION

L'avis de la Commission n'a pas à être porté à la connaissance du requérant par l'autorité administrative qui au demeurant "s'est appropriée le sens et le contenu de cet avis, en a mentionné la teneur dans sa décision".

En l'espèce, la décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est suffisamment motivée au regard de l'article 2 de la Loi du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs.

• QUALIFICATION DE LA RÉVOCATION DE L'AUTORISATION D'EXERCER

La révocation de l'autorisation d'exercice du professionnel ne présentant plus les garanties de moralité est une mesure de police administrative, au but préventif de préservation de l'ordre public.

L'autorité qui délivre une autorisation d'exercice d'une activité professionnelle a le pouvoir de l'abroger ou de la retirer si les conditions de délivrance ne sont plus remplies.

Les mesures de révocation prises sur le fondement de l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, visant à abroger l'autorisation d'exercer précédemment accordée, peuvent légalement revêtir le caractère soit d'une mesure de police administrative, soit d'une sanction administrative infligée dans un but répressif.

En effet, l'intitulé de la section "Sanctions administratives" sous laquelle sont intégrés les articles 9 et 10 de la Loi du 26 juillet 1991 (cas de révocation et procédure contradictoire bénéficiant au titulaire de l'autorisation) n'a pas de portée normative et n'empêche pas l'autorité compétente d'abroger ou retirer l'autorisation d'exercice d'une activité professionnelle "dans un but préventif, afin de garantir la moralité d'un secteur d'activité réglementée et de préserver l'ordre public économique".

La révocation "ne revêt pas, en l'espèce, eu égard à ses motifs et à sa finalité, le caractère d'une sanction ayant le caractère de punition mais doit être regardée comme une mesure de police administrative".

• DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE (article 8 CEDH)

La mesure de révocation, qui n'emporte pas interdiction générale d'exercer une activité en Principauté et a été légalement prise en vue de la préservation de l'ordre public, ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

L'ingérence d'une autorité publique au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 CEDH doit être "prévue par la loi" et constituer "une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".

La mesure de révocation a été prise du fait d'une condamnation pénale qui "créait un doute sur la moralité professionnelle de l'intéressé (...) eu égard à la nature et à la gravité des faits (...) et compte tenu des caractéristiques de l'activité commerciale exercée et des spécificités du secteur immobilier."

• PRINCIPES EN MATIÈRE REPRESSIVE (article 20 Constitution, article 4 Protocole n° 7 CEDH)

Les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité des peines découlant de l'article 20 alinéa 1er de la Constitution et le principe non bis in idem prévu à l'article 4 du Protocole n° 7 CEDH ne peuvent être opposés à une décision de révocation ne constituant pas une sanction ayant le caractère d'une punition mais une mesure de police administrative.

Les principes constitutionnels de légalité, de nécessité et de proportionnalité des peines régissent la matière répressive.

Le moyen tiré de la violation de la règle non bis in idem selon lequel le requérant condamné pénalement pour faux en écriture privée et usage de faux aurait été sanctionné une deuxième fois pour les mêmes faits par la sanction administrative infligée dans la décision de révocation, est inopérant du fait de l'absence en l'espèce de cumul de sanctions pénales et administratives.

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Tribunal Suprême, 7 février 2025, j.A c/ État de Monaco (rejet) — Refus d'autorisation d'exercer • Preuve • Substitution des motifs • Demande d'injonction au Ministre d'Etat

Objet du recours :

  • Décision de refus d'autorisation d'exercer en qualité de gérant associé d'une SARL de location de véhicules avec chauffeur, et de la décision expresse de rejet du recours gracieux substituant un nouveau motif de refus (absence de preuve de la qualité de gérant d'une société de tourisme ou de transport pendant 3 ans au moins) à celui retenu par la première décision (absence de production d'un livret professionnel).
  • Recours en annulation sur le fondement de l'article 25 de l'Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 relative à la règlementation des taxis, des véhicules de remise et des motos à la demande
  • Demande d'injonction au Ministre d'État de délivrer l'autorisation administrative sollicitée sous astreinte, et à défaut de procéder à un réexamen de la demande d'autorisation.

Décision du Tribunal Suprême (rejet de la requête) :

• PREUVE

Le recours gracieux adressé en recommandé avec accusé de réception n'énonçant pas d'annexe ou de document joint, ne permet pas d'établir que les documents et pièces produits devant le Tribunal Suprême pour justifier du diplôme ou de l'expérience professionnelle, auraient été adressés ou communiqués au Ministre d'État lors de la demande d'autorisation d'exercice ou du recours gracieux.

Le curriculum vitae (CV) du demandeur, seul élément dont la possession par le Ministre d'Etat était établie, "est un ensemble d'indications relatives à l'état civil, aux capacités et aux activités passées d'une personne ; qu'en tant qu'il indique, il ne prouve pas".

Ainsi, le caractère insuffisamment probant des justificatifs produits pouvait être légalement opposé et motiver le rejet de la demande d'autorisation, sans avoir à inviter au préalable le demandeur à fournir d'autres pièces.

• SUBSTITUTION DES MOTIFS

La substitution du motif de refus dans la décision de rejet du recours gracieux a pour effet le retrait de la première décision en tant qu'elle repose sur un motif erroné.

Le motif retenu par la première décision d'absence de production d'un livret professionnel était erroné dès lors que l'article 25 de l'Ordonnance Souveraine n° 1.720 n'impose pas que le gérant d'une société de location de véhicules avec chauffeur dispose d'un livret professionnel.

En conséquence du retrait, le recours contre la première décision de refus devenait sans objet.

• DEMANDE D'INJONCTION AU MINISTRE D'ETAT

Le Tribunal Suprême ne se reconnaît pas le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration.

D'où l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction.

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