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01

juil.
2024

Actualités juridiques

Droit bancaire et financier

Droit international et européen

Droit immobilier et de la construction

Droit des assurances

01/ juil.
2024

Actualités juridiques

Droit bancaire et financier — Droit international et européen — Droit immobilier et de la construction — Droit des assurances

Droit à l’oubli (assurance emprunteur) et autres mesures facilitant l’accès au crédit : projet de loi n° 1085 adopté

Le projet de loi n° 1085 (gouvernemental) relative au droit à l’oubli et à d’autres mesures facilitant l’accès au crédit (15 articles) a été reçu par le Conseil National le 22 novembre 2023. Il a été adopté le 27 juin 2024.

Il fait suite à la proposition de loi n°254 (d'origine parlementaire) instituant le droit à l'oubli en matière d'assurance de prêt bancaire, adoptée le 15 juin 2022.

Des textes réglementaires complèteront la Loi (Ordonnance Souveraine et Arrêté Ministériel).

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Objet de la loi

La Loi vise à :

  • "faciliter l'accès à l'emprunt bancaire pour des personnes placées, du fait des aléas de la vie, en situation de risque aggravé de santé en raison d'une maladie ou d'un handicap, dans la mesure où l'assurance emprunteur est souvent une condition d'obtention des prêts. Dans ce cadre, plusieurs mesures ont vocation à être juridiquement consacrées, au-delà du seul droit à l'oubli". (Exposé des motifs, p. 1)
  • "doter le corpus jurus de moyens contraignants de lutte contre la discrimination qui découlerait d'un refus d'assurance emprunteur ou de l'application de surprimes, rendant difficile, voire impossible, le recours au crédit bancaire pour des personnes présentant un "risque" pour les professionnels en raison d'une maladie ou d'un handicap" (Exposé des motifs, p. 3)

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SYNTHESE

Le régime monégasque s'inspire des standards de la convention AERAS française ("Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé") visant à faciliter l'accès à l'assurance et au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé :

Consécration du droit à l'oubli (soumis à conditions) qui permettrait de ne pas déclarer une ancienne pathologie (figurant sur la liste qui sera fixée par ordonnance souveraine qui devrait inclure les cancers et l'hépatite C) à un assureur ou un établissement de crédit lors de la souscription d'un contrat d'assurance emprunteur, pour les demande d'octroi d'un prêt à la consommation ou d'un prêt professionnel destiné à l'acquisition de locaux ou de mobiliers et matériels nécessaires à l'activité professionnelle, ou d'un prêt immobilier.

Obtention de contrats d'assurance emprunteur dans les conditions standards ou s'en rapprochant, à savoir sans surprime ni exclusion de garantie ou avec des surprimes plafonnées pour les personnes présentant ou ayant présenté un risque aggravé de santé et l'ayant déclaré, dès lors que la pathologie dont la personne est atteinte fait partie de la liste des pathologies figurant au sein d'une grille de référence, pour les prêts immobiliers ou les prêts professionnels en vue de l'acquisition de locaux ou de mobiliers et matériels nécessaires à l'activité professionnelle (prêts à la consommation exclus).

Interdiction des assureurs ou établissements de crédit de retenir et conserver des informations médicales relatives à une pathologie bénéficiant du droit à l'oubli.

Exonération dans certains cas de fournir le questionnaire sur l'état de santé ou de se soumettre à des examens médicaux.

Institution d'une Commission du droit à l'oubli et de la médiation entre autres chargée d'examiner les réclamations individuelles qui lui sont adressées concernant l'application de la présente loi, le cas échéant, d'effectuer la médiation entre les emprunteurs, d'une part, et les assureurs ou les établissements de crédit, d'autre part.

→ Aucun article de la loi ne prévoit de sanctions : le régime de droit commun de la responsabilité civile "permettra aux personnes lésées d'obtenir la réparation du préjudice qui leur serait causé par la méconnaissance par les banques ou assureurs des obligations prévues par ce texte" (Rapport sur le projet de loi n° 1085, p. 5).

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EN DETAIL

Fondements de la réforme

La réforme est fondée sur les engagements internationaux de la Principauté en matière de lutte contre toute forme de discrimination :

Elle trouve également appui sur les travaux des organisations internationales en la matière, entre autres :

Enfin, le projet de loi n° 1085 tient compte du droit français (Code de la santé publique) et de la réglementation des assurances dans le cadre des relations franco-monégasques :

  • Convention AERAS qui vise en France à faciliter l'accès au prêt immobilier ou professionnel et au crédit à la consommation des personnes dont l'état de santé ne permet pas d’obtenir une couverture d’assurance aux conditions standard du contrat, c’est-à-dire sans majoration de tarif ou exclusion de garanties. Révisée à plusieurs reprises depuis sa signature le 6 juillet 2006, elle a renforcé le droit à l'oubli (Article L1141-5, Article L1141-2 du Code de la Santé Publique français). La Convention est conclue entre l'Etat, les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d'assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance ainsi que des organisations nationales représentant les malades et les usagers du système de santé, et les personnes handicapées.
  • Convention relative à la règlementation des assurances, signée à Paris le 18 mai 1963 qui prévoit que réglementation des assurances établie par le Gouvernement Princier "devra être coordonnée avec celle de la République française" (Article 1er).

Dispositif de la Loi

La Commission Intérêts Sociaux et Affaires Diverses (CISAD) a opéré plusieurs amendements tendant "à s'assurer que le régime [monégasque] ne soit pas moins protecteur que celui prévu dans le pays voisin". (Rapport sur le projet de loi n°1085, p. 3).

¤ Dispositions générales (Chapitre Ier)

  • Définitions : "assureur" ; "personne présentant un risque aggravé de santé" ; "assurance emprunteur" ; "surprime d'assurance". (art. 1er). A noter : La CISAD a supprimé la définition de l'"établissement de crédit" au motif de "son caractère superfétatoire dans la mesure où, conformément aux conventions franco-monégasques en matière financière et bancaire, la définition française d’« établissement de crédit » est directement applicable en Principauté de Monaco" (Rapport sur le projet de loi n° 1085, p. 5). Voir l'Ordonnance souveraine n° 13.889 du 18 février 1999 relative à la réglementation applicable aux établissements de crédit de la Principauté, et la définition de l'art. L511-1 du Code monétaire et financier français.
  • Définition par Ordonnance Souveraine des modalités relatives à la formation et à l'instruction de la demande d'assurance, au contenu et à la communication de la décision de l'assureur et de l'établissement de crédit, ainsi que la durée de validité de toute proposition d'assurance. (art. 2)
  • Remise par les établissements de crédit ou assureurs d'un document d'information sur les mesures prévues par la Loi (simultanément au questionnaire de santé), aux personnes souscrivant un contrat d'assurance en relation avec un emprunt entrant dans les conditions de la Loi. (art. 2)

¤ Mesures d'aide à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé (Chapitre II)

→ DROIT A L'OUBLI (Section I)

  • Définition du droit à l'oubli : toute personne bénéficie d'un droit à l'oubli lui permettant de ne pas déclarer une ancienne pathologie, figurant sur la liste fixée par ordonnance souveraine, à un assureur ou un établissement de crédit lors de la souscription d'un contrat d'assurance emprunteur. (art. 3)
  • Conditions d'exercice du droit à l'oubli (dont les modalités seront précisées par Ordonnance Souveraine) (art. 4) :
    • 1) La demande d'assurance doit survenir à l'occasion d'une demande d'octroi d'un a) prêt à la consommation visant un achat précis, ou b) d'un prêt professionnel destiné à l'acquisition de locaux ou de mobiliers et matériels nécessaires à l'activité professionnelle, ou c) d'un prêt immobilier. A noter : La CISAD a remplacé la référence initiale à un prêt à la consommation "affecté ou dédié" par "achat précis", aux motifs que "la législation monégasque ne fait référence à aucune de ces deux notions dans les textes législatifs en vigueur" et qu'"Au surplus, la convention AERAS n’opère aucune distinction en matière de crédit à la consommation entre ceux qui seraient « affectés » et « dédiés ». En effet, celle-ci vise uniquement « les crédits à la consommation [qui] vise un achat précis […]. Une telle définition correspond, en définitive, à celle des crédits « affectés » admise dans la législation du pays voisin."(Rapport sur le projet de loi n° 1085, p. 6).
    • 2) Le protocole thérapeutique doit être achevé depuis une durée (fixée par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait excéder 5 ans. Est prévue l’extension du bénéfice de ces dispositions "aux pathologies, notamment chroniques, dont le protocole thérapeutique ne peut être considéré comme achevé, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets. A noter : La CISAD a opéré cet amendement d'ajout, aux motif "qu'exiger comme condition du bénéfice du droit à l’oubli que le protocole thérapeutique soit totalement achevé aurait eu pour conséquence d’exclure du bénéfice de ce dispositif les personnes souffrant de certaines pathologies chroniques et incurables nécessitant un traitement à vie, tel que le VIH. (...) Ce régime se veut ainsi aussi favorable que celui en vigueur dans le pays voisin" (Rapport sur le projet de loi n° 1085, pp. 3-4).
    • 3) L'échéance du contrat d'assurance doit intervenir avant que l'emprunteur atteigne un certain âge (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 71 ans. A noter : La CISAD s'est inspirée des standards de la convention AERA française pour préciser "un âge minimum en dessous duquel l'emprunteur ne pourra être exclu du dispositif." (Rapport sur le projet de loi n° 1085, p. 3).
  • Obligation de déclaration de l'emprunteur à l'assureur ou à l'établissement de crédit de toute pathologie ou affection autre que celles figurant sur la liste fixée par ordonnance souveraine précitée, tout facteur de risque, toute situation actuelle d'invalidité ou d'inaptitude au travail, en lien ou non avec les pathologies relevant du droit à l'oubli, ou toute conséquence actuelle et connue de l'emprunteur, au moment de sa demande d'octroi d'un prêt, de l'une de ces pathologies, affections ou des traitements y afférents. (art. 5) A noter : La CISAD a supprimé l'exigence de déclaration de tous les effets secondaires encourus du fait de la pathologie "trop exhaustifs et présentant un caractère incertain", la limitant aux seules conséquences connues et actuelles au moment de la demande d'octroi d'un prêt." (Rapport sur le projet de loi n° 1085, p. 7).
  • Interdictions des assureurs ou établissements de crédit de : retenir et conserver aucune information médicale relative à une pathologie bénéficiant du droit à l'oubli, même lorsqu'il en est fait état par l'emprunteur ; et d'appliquer aucune surprime ni exclusion de garantie à l'emprunteur du fait d'une pathologie figurant sur la liste précitée. (art. 6)

→ BENEFICE D'UNE ASSURANCE SANS SURPRIME OU EXCLUSION DE GARANTIE OU AVEC UNE SURPRIME PLAFONNEE (Section II)

  • Toute personne ayant déclaré à un assureur ou établissement de crédit présenter une pathologie, y compris chronique, constituant un risque aggravé de santé et figurant dans une grille de référence (définie par arrêté ministériel) pourrait bénéficier d'une assurance, sans surprime ou exclusion de garantie ou avec une surprime plafonnée, à certaines conditions (art. 7, 8) :
    • 1) La demande d'assurance soit survenir à l'occasion d'une demande d'octroi d'un a) prêt immobilier ou d'un b) prêt professionnel destiné à l'acquisition de locaux ou de mobiliers et matériels nécessaires à l'activité professionnelle ;
    • 2) Lorsqu'il s'agit de l'acquisition d'une résidence principale, le montant assuré doit concerner les opérations de prêts immobiliers dont la part assurée n'excède pas un montant (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 420 000 euros, sans tenir compte des crédits relais. Dans les autres cas de prêts immobiliers et de prêts professionnels, le montant assuré s'appliquerait aux contrats relatifs à un encours cumulé de prêts, dont la part assurée n'excède pas un certain montant (fixé par ordonnance souveraine) ;
    • 3) L'échéance du contrat d'assurance doit intervenir avant que l'emprunteur atteigne un âge (fixé par ordonnance souveraine) qui ne saurait être inférieur à 71 ans.
    • La grille de référence listerait des pathologies pour lesquelles des données de la science disponible permettent de conclure qu'une assurance emprunteur peut être accordée dans des conditions se rapprochant des conditions standard. Elle définirait, par pathologie, les délais à compter desquels des assurances emprunteur sont accordées, en précisant notamment la date de référence à partir de laquelle ces délais courent. Elle préciserait les critères d'accès à ces conditions d'assurance et les taux de surprime maximaux applicables. Les modalités et les délais de la grille de référence doivent être mise à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques et des données de la science.
  • Interdiction d'appliquer aux personnes présentant un risque aggravé de santé, conjointement une surprime et une exclusion de garantie au titre d'une même pathologie pour les contrats d'assurance dans le cadre de la souscription d'un crédit immobilier ou professionnel (art. 9).

→ EXONERATION DE FOURNIR DES INFORMATIONS RELATIVES A L'ETAT DE SANTE OU DE SE SOUMETTRE A DES EXAMENS MEDICAUX (Section III)

  • Aucune information relative à l'état de santé, ni aucun examen médical de l'assuré ne pourrait être sollicité par l'assureur, lorsque le contrat d'assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d'un contrat de crédit à la consommation visant un achat précis, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, sous certaines conditions (art. 10) :
    • 1) Le montant assuré ne dépasse pas un montant (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 17 000 euros ;
    • 2) La durée de remboursement est inférieure ou égale à une durée (fixée par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 4 ans ;
    • 3) L'âge de l'emprunteur n'excède pas un âge (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 50 ans ;
    • 4) l'emprunteur déclare sur l'honneur un non-cumul de prêts au-delà du plafond susmentionné.
    • A noter : la CISAD a repris les durée, âge et montant planchers appliqués en France.
  • Aucune information relative à l'état de santé ni aucun examen médical de l'assuré ne pourrait être sollicité par l'assureur, lorsque le contrat d'assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d'un contrat de crédit immobilier pour l'acquisition d'un bien à usage d'habitation ou à usage professionnel, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, sous certaines conditions (art. 11) :
    • 1) La part assurée sur l'encours cumulé des contrats de crédit n'excède pas un montant (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 200 000 euros ;
    • 2) L'échéance de remboursement du crédit contracté intervient avant que l'emprunteur atteigne un âge (fixé par Ordonnance Souveraine) qui ne saurait être inférieur à 60 ans.
    • A noter : la CISAD a repris ici aussi les montant et âge planchers appliqués en France.

¤ Commission du droit à l'oubli et de la médiation (Chapitre III) (art. 12 à 15)

  • Institution d'une Commission paritaire chargée, entre autres d'examiner les réclamations individuelles concernant l'application de la loi, le cas échéant, d'effectuer la médiation entre les emprunteurs, d'une part, et les assureurs ou les établissements de crédit, d'autre part.
  • La CISAD a ajouté à la précédente mission (la seule initialement prévue par le projet de loi), sa consultation par le Ministre d'Etat lors de l'élaboration et de la modification des textes réglementaires d'application (formation plénière), et l'établissement d'un rapport annuel rendu public présentant notamment un état statistique des réclamations individuelles et des suites données, garantissant l'anonymat et la confidentialité requis.
  • La formation plénière de la Commission regroupe 1) des représentants des professionnels de l’assurance et du crédit régulièrement autorisés à exercer leur activité à Monaco; 2) des associations représentant les malades régulièrement déclarées et rendues publiques conformément aux dispositions de la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 concernant les associations et les fédérations d’associations, modifiée ; 3) des médecins régulièrement inscrits à l’Ordre des Médecins de Monaco ou l’ayant été. La commission désigne, parmi ses membres une formation restreinte paritaire lorsqu’elle est saisie pour examiner les réclamations individuelles.
  • Le secrétariat de la commission est assuré par un service de l’administration désigné par ordonnance souveraine. Sa composition et le mode de fonctionnement sont également définis par ordonnance souveraine.

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