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juil.
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Diffamation sur Internet ● La "destination au public de Monaco", critère de compétence dégagé par le Tribunal correctionnel
Tribunal correctionnel, 13 juin 2023, v. E. c/ j. C. et la Société à Responsabilité Limitée K. (Diffamation publique sur Internet • Incompétence)
Ce jugement mérite d'être signalé, en ce qu'il précise les critères de compétence du Tribunal correctionnel pour connaître de propos litigieux diffusés sur Internet, accessibles depuis le territoire de la Principauté de Monaco.
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SYNTHESE
Le Tribunal correctionnel retient qu'il n'a pas compétence universelle à l'égard des écrits litigieux diffusés sur Internet, quand bien même ceux-ci sont accessibles depuis le territoire monégasque.
En l'absence de tout autre critère de rattachement à la Principauté, le Tribunal correctionnel subordonne sa compétence au critère de la destination des écrits litigieux au public de Monaco.
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EN DETAIL
Le litige
Le litige portait sur quatre articles diffusés sur le site internet des prévenus, deux en langue finnoise et deux en langue anglaise, relatifs à un chantier naval situé en Finlande et mettant en cause une société étrangère appartenant au plaignant, de nationalité belge et résident monégasque.
Les arguments des parties
Sur le fondement de la Loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique qui réprime la diffamation commise par un moyen de communication audiovisuelle (article 22), le plaignant sollicitait du Tribunal correctionnel d'ordonner la suppression sur le site Internet des prévenus de tout contenu diffamatoire en lien avec lui, et réclamait la réparation de son préjudice matériel et financier ainsi que moral.
Les prévenus ne contestaient pas être les auteurs des articles litigieux, mais soulevaient in limine litis l'incompétence territoriale des juridictions monégasques, et sollicitaient en tout état de cause leur relaxe, arguant de leur bonne foi et de la véracité de leurs écrits, lesquels ne seraient par ailleurs pas suffisamment précis pour relever de la diffamation. Ils réclamaient à titre reconventionnel la condamnation du plaignant en réparation de leur préjudice financier et moral.
Le jugement du Tribunal correctionnel
Le Tribunal correctionnel a jugé que :
"Il est établi que le réseau internet et les écrits qui y sont publiés constituent un moyen de communication audiovisuelle au sens de l'article 15 de la loi susvisée.
En revanche, s'il a été jugé que des faits de diffamation publique étaient réputés avoir été commis en tout lieu où les propos incriminés ont été reçus, lorsque lesdits propos ont été diffusés via le réseau internet, il convient cependant d'apporter de strictes conditions à cette compétence qui ne saurait être universelle.
En effet, bien qu'accessibles depuis le territoire de la Principauté de Monaco, encore faut-il que les écrits litigieux soient notamment destinés à la population monégasque."
Il s'est déclaré en l'espèce incompétent, aux motifs que les articles contestés n'étaient aucunement rédigés et diffusés à l'attention et pour l'information su public monégasque, ce en l'absence de tout autre critère de rattachement à la Principauté de Monaco, comme la nationalité monégasque d'une partie au procès pénal.
Pour autant, il a débouté les prévenus de leur demande reconventionnelle, estimant que le plaignant avait pu considérer légitime de saisir le juge monégasque compte tenu de son statut de résident monégasque.
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Droit comparé
La position du Tribunal correctionnel correspond à celle retenue par la Chambre criminelle (arrêt du 12 juillet 2016, Pourvoi n° 15-86.645, Publié au bulletin) et la Chambre commerciale (arrêt du 20 septembre 2011, Pourvoi n° 10-16.569, Inédit) de la Cour de cassation française.
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