02
déc.
2024
Actualités juridiques
Droit social
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Compte épargne-temps (CET) pour les salariés : adoption de la proposition de loi n° 262
La proposition de loi n°262 relative au compte épargne-temps (d'origine parlementaire) déposée le 12 juin 2024 sur le Bureau du Conseil National et adoptée le 28 novembre 2024, vise à élargir l'utilisation du compte épargne-temps (CET) à l'ensemble des salariés du secteur privé.
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Présentation
Le principe du (CET) est de permettre au salarié d'accumuler des droits à congés payés, ou de bénéficier d'une rémunération, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris, ou des heures supplémentaires effectuées.
La Loi n° 1.505 du 24 juin 2021 sur l’aménagement concerté du temps de travail a introduit le CET dans le droit monégasque, à titre de contrepartie pouvant être octroyée aux salariés dont l'aménagement du temps de travail est fixé sur une période de référence supérieure à une semaine (compensation en temps de récupération crédité sur le CET).
L'élargissement du CET à l'ensemble de salariés est motivé par le manque d'écho du CET auprès des employeurs et des salariés monégasques en raison de ses conditions de mise en œuvre. La proposition de loi l'appréhende "dans une optique plus souple et globale, de manière à proposer un cadre légal plus approprié aux besoins des acteurs sociaux". (Exposé des motifs, p. 2)
L'Exposé des motifs de la proposition de loi n° 262 s'appuie sur les nombreuses réformes du CET français depuis son institution par la Loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 (art. L3151-1 à L3153-2 du Code du travail français, conférant une base légale à des pratiques conventionnelles de branches professionnelles ou d'accords d'entreprises) pour "assouplir ses conditions d'utilisation". Ces réformes "confirment l'intérêt croissant du CET et, par conséquent, la nécessité à Monaco d'élargir à tous les salariés la possibilité de bénéficier d'un CET compte tenu des bénéfices que pourront en retirer tous les acteurs du secteur privé".
Le CET est ainsi appréhendé comme un "avantage concurrentiel significatif en renforçant [l']attractivité" des entreprises qui "contribue à accroître leur productivité et leur compétitivité globale en ce qu'il favorise la fidélisation des employés, améliore leur motivation et réduit l'absentéisme, et, d'autre part, il peut favoriser le recrutement des talents et des nouveaux travailleurs en quête d'équilibre entre travail et vie personnelle".
Les parlementaires sont par ailleurs favorables à une extension du CET au secteur public (effectuée en France à compter de 2002), invitant "le Gouvernement à engager une réflexion en ce sens dans la perspective d'étendre ce dispositif à l'ensemble de la fonction publique, cette démarche s'inscrivant dans un objectif de modernisation et d'optimisation du travail, visant à rendre des conditions d'emploi attractives". (Exposé des motifs, p. 4)
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Objectifs de la proposition de loi n° 262
- Modernisation et optimisation du travail, visant à rendre des conditions d'emploi attractives ;
- Tenir compte de la préoccupation croissante d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, à laquelle les entreprises cherchent à répondre pour être attractives, tout en restant compétitives sur le marché du travail ;
- Créer un dispositif de CET qui tout en adaptant la gestion du temps des salariés selon leurs besoins personnels, préserve les prérogatives de gouvernance de l'employeur pour assurer la bonne marche de son entreprise.
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Dispositif de la proposition de loi n° 262
¤ Définition (article 1)
La proposition de loi n° 262 définit le CET comme "un dispositif qui permet au salarié d'accumuler des droits à congés rémunérés ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris ou des heures de repos acquises au titre des heures supplémentaires ou des sommes qu'il y a affectées."
¤ Modalités d'institution et de fonctionnement général du CET (articles 2, 3 et 4)
— Le CET serait institué par :
- une convention collective de travail telle que définie à l'article 1er de la Loi n° 416 du 7 juin 1945 modifiée,
- ou, à défaut, une décision de l'employeur, après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis des délégués syndicaux ou des délégués du personnel dans les conditions et délai prévus par Ordonnance Souveraine. Il est envisagé de permettre de considérer la condition remplie même en cas d'absence de réponse des délégués sollicités à l'issue d'un délai raisonnable. L'Exposé des motifs précise que "le défaut s'entend de l'absence de toute stipulation collective relative au CET applicable, notamment en cas d'échec des négociations au sein de l'entreprise".
— La convention collective ou la décision de l'employeur devrait fixer les modalités générales de fonctionnement du CET suivantes :
- les conditions et limites de l'alimentation du CET en temps ou en argent, à l'initiative du salarié ;
- les conditions et limites de l'abondement du CET en temps ou en argent, à l'exception des heures accomplies en-deçà de la durée légale ou considérée comme équivalente, à l'initiative de l'employeur ;
- les modalités de gestion du CET ;
- les conditions d'utilisation du CET ;
- les conditions de liquidation du CET au cours de l'exécution du contrat de travail ;
- le sort des droits acquis par le salarié dans le cadre du CET en cas de dénonciation de la convention collective de travail ou de la décision de l'employeur.
— Le salarié pourrait déposer des droits et retirer les droits accumulés sur son CET selon les modalités définies par la convention collective ou la décision de l'employeur. Par exemple, le salarié pourrait, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le CET pour compléter sa rémunération, ou pour cesser de manière progressive son activité jusqu'à sa retraite.
Note : La Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses (CISAD) a supprimé le mécanisme à l'origine prévu qui imposait de n’utiliser la cinquième semaine de
congés payés, que sous forme de repos et non sous forme de complément de rémunération, jugé "trop contraignant". "En pratique, les partenaires sociaux ou les employeurs, qui le souhaiteraient, pourront prévoir une telle règle au sein de leur convention collective ou décision relative au C.E.T.". A défaut, "les salariés pourront choisir entre le complément de rémunération et le droit à congés rémunérés, sans qu’aucune distinction en fonction des droits versés sur le C.E.T. ne soit prévue par la loi". (Rapport sur la proposition de loi n° 262).
¤ Protection des droits des salariés (articles 5, 6 et 7)
— Dans un souci de protection du droit au repos des salariés, il est prévu des limites à la liberté dont disposent les employeurs, les partenaires sociaux et les représentants du personnel pour préciser les conditions d'utilisation du CET : le congé annuel ne pourrait être affecté au CET que pour sa durée excédant les 24 jours ouvrables.
— Le dispositif proposé garantit également les droits des salariés inscrits sur le CET en cas de faillite de l'employeur en lui transposant le mécanisme de garantie des salaires en vigueur à Monaco :
- Les droits acquis dans le cadre du CET seraient garantis par l'organisme de garantie des créances de salaires compétent, dans les conditions et selon les plafonds prévus par arrêté ministériel.
- La convention collective de travail ou la décision de l'employeur pourrait également prévoir un dispositif d'assurance ou de garantie des droits acquis pour le montant excédant ces plafonds, par une société ou compagnie préalablement autorisée par arrêté ministériel à garantir ces sommes.
- Lorsque l'employeur ne relève d'aucun organisme de garantie des créances de salaires, la convention collective de travail ou la décision de l'employeur devrait prévoir un dispositif d'assurance ou de garantie des droits acquis, par une société ou compagnie préalablement autorisée par arrêté ministériel à garantir ces sommes.
- En l'absence d'un dispositif d'assurance ou de garantie des droits acquis prévu par la convention collective de. travail ou la décision de l'employeur, les droits acquis non garantis seraient liquidés sans délai.
— En cas de rupture du contrat de travail, le salarié bénéficierait d'une indemnité correspondant aux droits inscrits (conversion monétaire) sur son CET. Il aurait la possibilité, en accord avec son employeur, de percevoir cette indemnité en une fois, ou de manière échelonnée sur une période maximale d'1 année après la rupture.
En l'absence de disposition prévoyant les modalités de valorisation de la journée au sein de la convention collective ou de la décision de l'employeur, la valeur de la journée serait appréciée à la date du paiement.
¤ Exonération des cotisations sociales limitée (articles 8 et 11)
La proposition de loi s'inspire du dispositif français, tout en veillant à garantir un juste équilibre : la rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son CET serait exonérée de cotisations sociales à la charge du salarié et à la charge de l'employeur, dans la limite d'un plafond de 10 jours par an, sans perte de droits pour le salarié.
Une disposition transitoire prévoit que cette exonération ne concernera que les droits déposés sur le CET à compter du lendemain de la date d'entrée en vigueur de la loi.
¤ Procédure d'homologation de la convention collective ou de la décision de l'employeur par le Directeur du Travail (article 9)
L'employeur devrait soumettre la convention collective ou sa décision par LRAR au Directeur du Travail qui se prononcerait, dans un délai de 2 mois, sur sa conformité aux dispositions légales.
La convention collective ou la décision de l'employeur serait applicable, lorsque le Directeur du Travail aurait déclaré explicitement sa conformité à la loi ou lorsqu'il s'abstiendrait de répondre dans le délai imparti.
La décision du Directeur du Travail devrait être, dans tous les cas, motivée selon les conditions de la Loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs.
Un formulaire type destiné à présenter les modalités générales de fonctionnement du CET envisagées par l'employeur serait tenu à disposition de tout intéressé par le Directeur du Travail.
Toute modification des modalités générales de fonctionnement devrait être préalablement soumise conformément aux dispositions ci-dessus.
¤ Harmonisation des régimes juridiques (article 10)
Le premier alinéa de l'article 8-7 de l'Ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959, créé par la Loi n° 1.505 du 24 juin 2021 relative à l'aménagement du temps de travail pour les salariés, serait modifié pour l'harmoniser avec le dispositif prévu par la proposition de loi.
Cette modification serait sans conséquence sur les conditions de mise en œuvre de l'aménagement du temps de travail.
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