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15

déc.
2023

Actualités juridiques

Droit international et européen

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Droit public

15/ déc.
2023

Actualités juridiques

Droit international et européen — Droit civil — Droit social — Droit public

CEDH • Perez c/ Monaco, 5 octobre 2023, n° 60104/21. Irrecevabilité de la requête

CEDH • Accès à un Tribunal • Droit à un procès équitable • Egalité des armes • Délai raisonnable • Droit social • Procédure civile

CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), Perez c/ Monaco, 5 octobre 2023, Requête n° 60104/21 Irrecevabilité de la requête • Non-épuisement des voies de recours internes • Aucune apparence de violation du droit à un procès équitable et du droit d’accès à un tribunal

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SYNTHESE

La requête concerne l’équité d’une procédure civile sous l’angle des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme, la requérante se plaignant principalement de la durée de la procédure qu’elle jugeait excessive, ainsi que des refus des juridictions monégasques d’ordonner la communication de documents détenus par son employeur et des tiers qu’elle estimait déterminants pour l’issue de son procès.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déclaré la requête irrecevable, les griefs étant d’une part, rejetés pour non-épuisement des voies de recours monégasques (article 4 bis du Code civil) en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, et d’autre part considérés manifestement mal fondés et rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention, le refus d’ordonner la communication de pièces n’apparaissant ni arbitraire ni déraisonnable.

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EN DETAIL

Les faits

La requérante, révoquée de ses fonctions de président administrateur délégué d’une S.A.M., avait saisi le Tribunal de première instance aux fins d’obtenir la condamnation de la société au paiement de diverses sommes aux titres du solde d'indemnités, de remboursement de frais de déplacement et d'hébergement ainsi que de diverses commissions, rétrocessions et dommages-intérêts pour résistance abusive. Par jugement du 21 décembre 2017, la requérante avait obtenu condamnation de la société à lui payer ses frais de déplacement et d'hébergement avancés pour sa constitution, mais avait été déboutée de ses autres demandes.

La requérante avait parallèlement saisi la Présidente du Tribunal de première instance d’une requête aux fins de compulsoire, afin d’obtenir la désignation d’un huissier de justice pour se rendre dans les locaux de cinq organismes, afin de se faire remettre divers documents, requête rejetée le 30 mars 2018 aux motifs que la juridiction de fond était déjà saisie du litige et que le principe de loyauté des débats ainsi que les impératifs du procès équitable faisaient obstacle à l’engagement d’une procédure non contradictoire. La Cour d’appel confirma cette décision le 4 juin 2018, aux mêmes motifs et considérant que la demande de production de pièces n’apparaissait pas suffisamment précise et pertinente pour la manifestation de la vérité.

Dans le cadre de la procédure au fond, la Cour d'appel par arrêt sur incident avant-dire-droit du 22 janvier 2019 rejetait l’exception de communication de pièces de la requérante, et par arrêt au fond du 29 septembre 2020 la déboutait de sa demande de remboursement des frais de déplacement et d'hébergement avancés pour sa constitution et des frais professionnels invoqués, considérant que les documents produits par la requérante à l’appui de ses demandes de rémunérations complémentaires n’étaient pas suffisamment probants, et déboutait les parties de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives.

Par arrêt du 16 juin 2021, la Cour de révision jugeait que la décision avant-dire-droit du 22 janvier 2019 était légalement justifiée, dès lors que la Cour d’appel avait pu constater souverainement que les exigences d’utilité des pièces et d’absence d’atteinte aux droits des tiers n’étaient pas satisfaites. De même s’agissant de l’arrêt au fond du 29 septembre 2020, la Cour de révision avait conclu que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision sans violer l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme

Le grief de la durée excessive de la procédure civile rejeté pour non-épuisement des voies de recours monégasques

La Cour a constaté « que l’article 4 bis du Code civil monégasque prévoit expressément une action en responsabilité de la puissance publique à raison du fonctionnement défectueux de la justice, notamment en cas de durée excessive d’une procédure civile (…) », et que la requérante ayant « saisi la Cour sans avoir préalablement exercé ce recours, n’a pas épuisé les voies de recours internes quant à son grief tiré de la durée de la procédure litigieuse ».

Le grief des refus des juridictions internes d’ordonner la communication des pièces rejeté car manifestement mal fondé

Le Cour n’a « décel[é], au vu des éléments en sa possession, aucune apparence de violation du droit à un procès équitable et du droit d’accès à un tribunal ».

Concernant la procédure de compulsoire, la Cour a en effet estimé que le refus des juridictions monégasques n’apparaissait « ni arbitraire ni déraisonnable », et était motivé « par la nécessité de respecter le principe de la loyauté des débats vis‑à‑vis de la partie défenderesse ainsi que par le caractère insuffisamment précis, pertinent et donc suffisamment délimité de ses demandes de production des pièces ».

Concernant la procédure au fond, la Cour a également constaté « que la requérante a bénéficié d’un procès contradictoire, qu’elle a pu s’exprimer librement sur la pertinence alléguée des pièces demandées mais qu’elle n’a pas suffisamment justifié et cerné ses demandes de communication de pièces ». Elle a souligné « que l’interprétation à laquelle les juridictions internes se sont livrées quant à l’admissibilité des règles de preuve ne peut passer pour arbitraire, déraisonnable ou susceptible d’entacher l’équité de la procédure et qu’elle relève simplement de l’application des règles procédurales établies en droit interne », et « que la Cour de révision a par la suite effectué un contrôle de la motivation du caractère proportionné du refus d’ordonner la communication de pièces ».

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